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Pour tout vous dire, je suis une travailleuse sociale qui est devenue enseignante. J'aime écrire. Honnêtement, depuis ses tout débuts, je m'oblige par ce blogue, à écrire et ainsi me maintenir dans un processus de création. Je n'ai pas vraiment d'objectifs autres que d'écrire et de me divertir. J'espère aussi que vous saurez trouver un peu de plaisir à me lire.


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samedi 23 mai 2009

Je ne pleure pas beaucoup

En effet, je ne pleure pas beaucoup. Je suis la digne héritière d’une famille de stoïques. Ni la peine ni le bonheur ne transparaissaient dans notre vie de tous les jours. Pour évacuer nos émotions, nous nous cachions derrière une montagne de blagues toutes plus inutiles les unes que les autres. À défaut de pleurer, il nous était au moins possible de rire.

En effet, je ne pleure pas beaucoup. Quand j’étais petite et que j’avais de la peine, je me réfugiais tellement loin dans un recoin de nul part, que personne ne pouvait remettre en doute le fait que j’appartenais bel et bien à cette famille de stoïques. Alors, dans ces courts moments volés à ma vie, je laissais ma peine sortir des refoulements de mon corps. Cette peine sortait effectivement de moi, mais paradoxalement, rarement elle me quittait. Elle revenait sans cesse au même endroit, toujours avec la même vigueur, telle une fidèle amie qui me détesterait à mon insu, mais ayant besoin de quelqu’un avec qui jouer et de qui se jouer.

Personne ne devait me surprendre à pleurer. J’aurais alors révélé un côté de moi vulnérable auquel il aurait été permis, pendant un court instant, d’accéder. Je ne sais pas ce que serait ma vie aujourd’hui si je m’étais alors laissée surprendre. Aurais-je eu tellement honte que plus jamais n’aurait déferlé sur mon visage ces larmes gorgées de tourments salés ? Ou alors, me serais-je laissé aller allègrement à une vie chargée d’émotions qui n’aurait désormais plus de secrets pour moi? Je ne le saurai jamais.

Mais je sais que je ne pleure pas beaucoup. Cependant, il y a deux histoires que j’ai vécues dans ma vie qui se sont révélées à moi comme des coups de poings dans ce visage stoïque. Deux histoires qu’il m’est impossible de raconter sans qu’une vague d’émotions ne m’envahisse et que je redevienne cette enfant cherchant refuge pour cacher ses larmes.

La première se déroule dans une salle d’attente d’une clinique médicale. Rien de plus banal. Un endroit où tout le monde a mal mais où personne ne se plaint. Un endroit pour attendre et où l’on ne se douterait pas qu’il puisse se passer quelque chose. Mais détrompez-vous. Cette journée-là, j’ai fait une rencontre qui m’a semblé banale sur le moment mais dont le souvenir ne me quitte plus depuis.

Dans cette salle d’attente, était assise une vieille dame qui parlait fort et qui parlait à tout le monde. À cette époque, j’étais plutôt renfermée et la perspective de discuter avec cette dame équivalait alors à me donner piètrement en spectacle. Cette dame a du le sentir et tel un aimant constamment attiré par son contraire, elle vint s’asseoir à mes côtés. Malgré cette séance de torture qui se préparait, j’avais constaté que cette dame était très touchante. Elle prononçait des paroles d’une telle banalité que nous ne pouvions nous empêcher d’être atteints en plein cœur.
Entre autres, elle expliquait avoir passé 30 ans de sa vie avec un homme extraordinaire. Qui d’entre nous peut encore dire ça aujourd’hui ? Cet homme extraordinaire l’avait malheureusement quitté pour la pire des maîtresses, l’Éternité. Elle me racontait : " Vous savez, mon homme était très travaillant. Il m’a laissé une pension confortable avec laquelle je mène une belle vie. Je suis extrêmement chanceuse d’avoir accès à ce bonheur. Mais, tout le bonheur du monde ne vaut pas celui que j’ai eu de vivre avec cet Amour, mon mari et je donnerais tout ce que j’ai pour pouvoir me retrouver encore contre lui ". Justement le genre de phrase banale qui vous place brutalement devant la fatalité de votre vie. Celle de n’avoir pas encore connu amour si fort et si profond qu’il puisse vous faire regretter de vieillir ou encore celle de regretter de vieillir et d’avoir peur soudainement de n’avoir jamais accès à ce type de bonheur.

Vous croyez que je pleure maintenant? Mais vous n’y êtes pas du tout, ceci n’était que le préambule. Car, en plus d’avoir eu un mari dont elle regrettait la cruauté du départ, elle avait eu un chat. Et oui, voilà, vous voyez déjà poindre une parcelle de larme sur le revers de mon œil. Et vous avez bien raison. Toute histoire triste à propos d’un chat ou d’un chien voit mes yeux lutter contre un véritable torrent de larmes et mon cœur se tordre pour tenter de penser à autre chose.

Bref, cette dame avait eu un chat. Bien sûr, elle avait vécu avec son chat beaucoup moins longtemps qu’avec son mari, mais je sentais que ce chat avait permis à cette vieille femme qui parlait tout de même trop fort, de pouvoir continuer à vivre un lien émotif après la mort de son mari. Peut-être le seul lien affectif qui lui restait.

Après avoir connu un bonheur si intense, elle se raccrochait à cet attachement pour son chat comme à une bouée d’émotions. Elle n’était alors pas entièrement seule sur cette terre, elle connaissait encore l’amour pour une toute petite boule de poils qui elle, l’aimait sans conditions. Et cette adorable boule de poils jouait avec un tout petit bout de lacet. Et la dame et le chat pouvaient dérober à cette vie quelques moments de bonheur paisible en jouant ensemble.

Mais la dame étant constituée plus vigoureusement que son entourage, elle survécut non seulement à son mari mais également à son chat. Elle m’expliquait combien elle était peinée de cette perte. Je ne ressens pas nécessairement le besoin de vous exprimer quelle était la profondeur de sa peine en raison de son lien d’attachement et de son amour pour cette boule de poils. Toute personne aimant et vivant avec un animal comprend ce sentiment. Chacun de mes matins est constitué du ronronnement satisfait contre moi de mon matou, rendant mon réveil doux et agréable. Juste à penser à mon chat, un sentiment de plaisir s’installe en moi. Et simplement d’imaginer qu’un jour il me quittera suffit à me rendre triste.

Alors, pour en revenir à cette dame, son mari décédé et son chat, maintenant décédé… celle-ci m’expliqua que ce chat avait été tellement important pour elle, qu’à sa mort, elle se procura la plus belle des boîtes dans laquelle elle l’installa confortablement pour son dernier repos. Ce chat qui lui avait beaucoup procuré dans la vie. Alors, dans cette boîte, elle avait permis à son dernier ami d’être accompagné du bout de lacet… Pour qu’il puisse quoi ? probablement jouer dans sa prochaine vie ou s’il y avait la moindre chance qu’un chat ait une âme, pour qu’il puisse peut-être un peu, par l’entremise de cet objet, se souvenir d’elle et continuer à l’aimer… Que voulez-vous, la perspective de ressentir la solitude sur cette terre peut faire surgir la plus folle des pensées.

Pour la suite, car il me semble bien qu’il y avait une suite à cette histoire, une suite du type, j’ai appelé je ne sais plus qui pour l’enterrement de mon chat… Mais bien honnêtement, je ne m’en souviens plus, l’histoire s’arrête là. Et je ne pourrais pas vraiment vous raconter cette suite, parce vous vous en doutez bien, c’est ridicule je le sais, mais je pleure en ce moment.

Je pleure de me remémorer cette perte du dernier lien affectif de cette dame. Une perte qui fait que quand on est vieux, on recherche parmi les inconnus de salles d’attente banales, à retrouver ces parcelles d’émotions qui ne font désormais plus parties de notre vie. Je pleure de savoir qu’un jour, avant même que tout soit terminé, l’on puisse vivre un vide si grand.

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