J’ai attendu cet instant béni avec toute la ferveur du chrétien se repentant un vendredi saint. Cent fois j’ai prié pour sa venue et mille fois, il s’est incarné dans mon imaginaire. Lorsque j’en rêvais, je me projetais dans ce monde parfait où rayonnait en mon être le calme et la sérénité.
Je vous parle bien sûr de mes vacances. J’y ai tellement cru. J’avais des projets extraordinaires qui n’attendaient que moi et mon temps libre; élément essentiel me manquant cruellement pendant l’année scolaire. De ces scénarios de vie qui se déroulent quotidiennement dans ma tête, je me suis projetée dans l’avenir avec tout le positivisme pouvant se refléter en moi. J’avais travaillé très dur pour chasser le négatif de ma personnalité. Désormais, mes histoires ont une fin heureuse. Mais je regrette presque cette transformation. Peut-être aurais-je dû, avec toute l’ardeur dont je sais faire preuve dans l’entretien de mes compulsions intérieures, continuez à imaginer le pire en espérant le meilleur. Et maintenant j’y suis et maintenant, déjà, je ferais tout ce que je pourrais pour ne plus y être.
Vous aurez deviné que ces instants qui devaient être idylliques ont été transformés par la peine qui m’afflige. Et lorsque je suis dans cet état, il m’est difficile de vivre dans ce pays de l’imaginaire. J’ai beau cherché, j’ai beau tenté de me laisser aller, je n’arrive plus à m’envoler. Mon imagination semble s’être volatilisée. " L’usine de rêve est temporairement fermée pour cause de lock-out. Ne me cherchez pas. Vivez dans la réalité jusqu’à mon retour! " En effet, j’ai besoin d’un certain bien-être pour écrire. Aujourd’hui, la douleur a érigé un mur de raideur dans mon corps. Aujourd’hui, si j’écrivais la suite de Jeanne (voir texte du 4 juillet 2009), il s’agirait probablement d’une toute autre histoire. Pauvre Jeanne, seule et abandonnée, elle pleure toute la journée pour laisser couler la peine que contient son existence.
Ainsi, pour le texte de cette semaine, je suis dans une impasse. Un court message destiné aux lecteurs s’impose à moi " Rien à dire, partez! " Cependant, ne rien tenter ne serait-ce qu’une phrase, me semble encore plus triste. Tout au moins, à ce stade, par respect pour votre intérêt, je prendrai un bref instant et vous ferai une mise en garde. " Il m’est impossible de vous mentionner si cet écrit se dirige dans un quelconque endroit. Vous pouvez dès lors fermer cette page Internet afin de ne pas risquer de sombrer avec moi dans cette mélancolie. Cependant, si vous désirez me suivre plus à fond, le tout est à vos risques et périls. Aucun dommage ni intérêt subi ne sera remboursé par l’auteur de ce blogue. "
J’ai aussi pensé écrire sur l’objet de ma peine en espérant qu’elle me quitte pour rejoindre à tout jamais ces nouvelles pages. Je ne sais pas. Cela m’obligerait à plonger dans ma tristesse pour vous dévoiler de sombres recoins de mon être que je n’ai pas envie d’exposer, par pudeur. Loin de moi l’idée de vous dévoiler ma vie dans les moindres détails. Mon objectif étant plutôt de vous faire partager ma passion et de vivre avec vous, au pays des rêves.
Alors, lorsque je visite d’autres pays virtuels, je suis toujours impressionnée par la somme d’informations personnelles que les gens dévoilent. Il nous est alors possible de nous transformer en véritables voyeurs d’existence tout en se laissant bercer par la vie des autres. Nous admirons leurs photos de voyage, leurs photos de famille, l’intérieur de leur maison, nous vivons leurs joies, leurs peines, les jeux de leurs enfants, nous pouvons presque nous transformer en aide familiale à distance tellement nous connaissons le moindre contour de leur intimité. Certains donnent même les noms, l’âge et les photos de leurs enfants; ceci me semble tellement indécent. Ces derniers sont souvent trop jeunes pour accepter ou refuser d’être ainsi exposés à la face du monde virtuel. Mon cœur de quasi-mère poule se transforme alors en océan de protection et dénonce cet outrage donnant place à l’intrusion extérieure.
Pour ma part, je n’ai pas envie de m’exposer aussi ouvertement. Écrire est déjà un geste d’ouverture sur mes pensées intimes et être lue, malgré le bonheur qu’il me procure, représente une forme d’intrusion étrangère dans les affaires de mon pays imaginaire. Alors, je ne vous livrerai pas tout et surtout pas, l’objet de ma peine.
Je crois encore à une certaine forme d’intimité. Voilà pourquoi je suis souvent éberluée devant la conduite de certaines personnes. Parlez au téléphone par exemple. Auparavant, c’était un geste privé. Était-ce le fil qui conditionnait ce privé ? Nous devions nous restreindre le plus souvent à un coin de la maison ou à une cabine téléphonique, endroit inconfortable s’il en est un. Nous n’y parlions qu’un court instant. Le sans fil a rendu la conversation téléphonique publique. Mes voisins, dont certains semblent avoir emménagé sur leur balcon pour la saison, partagent , tels des curés dans leur jubé bénissant les passants de leurs cris insolites, la moindre parcelle de leur vie. Pour ma part, ils sont d’ailleurs assez proche de la définition que je me fais de la pollution sonore! Si j’osais, j’abandonnerais mon inertie quotidienne devant les intrigues policières de la chaîne télé Séries Plus et j’écouterais en détail leurs murs de lamentations. Tiens, ce pourrait même être une mission que je me donne afin d’inventer une nouvelle histoire... que je pourrais peut-être un jour écouter sur Séries Plus !
Dans les moments difficiles, je conteste! Pour ma part, un bruit involontaire devient vite une forme de pollution qui s’ajoute aux multiples bruits de la ville. Peut-être devrais-je aller vivre en campagne me direz-vous ? Je ne sais pas. Souvent, j’en rêve. Cependant, j’ai peur de m’y ennuyer un peu. Il y a dix ans, je vivais en ville et je m’accommodais parfaitement des bruits de sirènes, de trafic, de camion de vidanges, de construction etc. Mais pourquoi en rajouter ? Au nom de quoi devrait-on bousiller davantage notre qualité de vie de citadins ? La technologie ne devrait être qu’un outil pour répondre à nos besoins et non pour nous imposer nos besoins et moduler notre vie quotidienne.
Dans les moments difficiles, je pense à ce cycle de vie. La naissance, la vie, la mort. Deux moments forts aux extrémités et les montagnes russes entre les deux avec parfois, un train-train quotidien, fort heureusement. Mais à quoi sert tout cela ? Question importante et futile à la fois qui ne sert finalement pas à grand chose. Quelle réponse peut-on y trouver ? Simplement sa propre réponse.
D’accord, vous vous demandez encore pourquoi suis-je triste. Votre persévérance dans cette lecture mérite bien que je vous en informe. Et bien voilà, c’est mon chat. Il a maintenant 17 ans. Il va me quitter et ça m’attriste. Depuis une semaine, il n’est plus que l’ombre de lui-même et refuse que je l’approche. Il dort terré dans la garde-robe de ma chambre. Il n’est pas à l’agonie mais il est malade et il va partir. Comment ? Je n’en suis pas encore certaine, je sais que le moment venu, il me le dira à sa manière. Et je tenterai d’accepter, à ma manière.
Malgré tout, certains souvenirs heureux me reviennent en mémoire. Le jour où je l’ai adopté. Les techniciennes de la SPCA m’avaient averties que c’était un chat indépendant en raison de son mélange exotique, et ce, malgré le fait qu’il faisait tout pour attirer mon attention en se frottant allègrement contre ma jambe. Plusieurs autres avaient baissé les pattes et ne venaient tout simplement pas me voir. Celui-ci s’était relevé les poils et semblait s’être dit : " Faut que je sorte d’ici à tout prix ! " J’assistais alors à ses déhanchements effrénés visant à me faire comprendre que j’étais sienne et qu’il me fallait me plier à ses exigences. Même si c’est moi qui ai payé pour l’acquérir, je suis maintenant persuadée que c’est lui qui m’a adoptée. J’avais été charmée par tant de vigueur dans l’art de la séduction. Il m’avait clairement signifié : " Tu me plais, prends moi ! " Personne ne m’avait jamais fait la cour aussi intensément. Je savais avoir affaire à un hypocrite mais je l’aimais déjà. Au lieu de me rebuter, j’appréciais son sens inné de la politique. Après tout, il n’aspirait qu’à une parcelle de bonheur hors de ces murs et surtout, hors de cette cage. Et je l’ai accueilli chez moi avec toute la tendresse et l’amour dont j’étais capable. Je me souviens du jour, lorsque assise en indien, il est venu se blottir au creux de mes jambes. Il m’interdisait encore de le caresser, mais son premier pas vers l’attachement félin était posé. Je l’ai apprivoisé en commençant à le caresser du bout de l’ongle jusqu’à ce que graduellement, il m’accepte, inconditionnellement. Et à coup de patience, nous sommes devenus des sortes de complices de vie.
Voilà, je l’ai fait. Sans trop le vouloir. Je vous ai nommé l’objet de ma grande peine. Ça y est. Mais pour ne pas m’attrister davantage, je dois terminer ce texte. Voilà, c’est terminé.
Bonne semaine.
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