Mercredi, 12 août, 10h45
Ah ! Encore cette malheureuse envie de Pepsi. Ma bouche se transforme en puits asséché par mes émotions caniculaires et cette boisson s’impose alors à mon subconscient. Il s’agit là d’une simple équation mathématique : soif + stress = Pepsi. Il semble que pour m’en sortir je devrais adopter une autre habitude, mais laquelle ? Je bois de l’eau, du jus, des smoothies, hélas, rien n’y fait. Peut-être dois-je travailler sur le stress plus que sur la soif pour changer l’équation ? Alors comment ? Quand je serai grande, je serai zen… Je me promène dans les corridors de mon appartement à la recherche de mon point d’équilibre. Je me convaincs que je suis la plus calme du monde, après le Dalaï-Lama. J’ouvre alors le frigo et me sers 3 tranches de salami épicé. Ah! ce que c’est bon ! Et comme la dépendance est inversement proportionnelle au bon sens, après avoir rassasié mon manque, je lis l’étiquette. " Madame, je suis au regret de vous annoncer que vous venez d’ingurgiter 30% de votre ration quotidienne de gras et autant en ce qui concerne votre sodium. Et ne parlons pas du sucre, péché capital de gourmandise accompli ! Je vous condamne à trois " Je vous salue Marie " accompagnées de 2 litres d’eau par jour. "
Après cet exercice épuisant de compensation, je me retrouve devant la télé. On y joue l’émission " Mayday ". Je donnerais tout mon Pepsi pour ne pas manquer cette émission où l’on y reproduit différentes catastrophes aériennes. C’est extrêmement bien fait et c’est captivant. Cependant, le goût de voyager vous passe assez vite après quelques épisodes. Permettez-moi alors d’ajouter " Mayday" à ma liste d’émissions "à écouter" de la semaine dernière. Toutefois, ce matin-là, j’aime à penser que j’avais l’esprit vif malgré la privation de la bouteille. En comparant les survivants, qui racontent leurs histoires, et les comédiens, qui jouent la scène, je remarque que les comédiens sont toujours beaucoup plus jeunes et plus beaux que les personnes ayant vécu les traumatismes… Pour ma part, je trouve que c’est de la fausse représentation. Pense-t-on ajouter à l’ampleur de la catastrophe en nous faisant croire que l’avion était rempli de belles personnes ?
Aujourd’hui, mercredi, j’ai changé de stratégie. De mon avant-dernière bouteille, j’en ai bu que la moitié au dîner. Je boirai le reste ce soir. Je déguste lentement mais sûrement. Rien ne sert de boire rapidement, il suffit de décapsuler à temps et déguster sûrement. Étonnamment, en après-midi, aucun mécanisme d’envie de boire ne se développe chez moi. Peut-être est-ce l’assurance dû au fait qu’il me reste une demi-bouteille dans le frigo. Cela fait l’effet d’une prescription d’Ativan ; nul besoin d’en prendre du moment que je sais que j’en possède, le calme frappe à ma porte !
Après-midi passé chez ma coiffeuse. Je ne sais pas pourquoi, cet après-midi-là, tous les clients sont laids. La coiffeuse représente alors l’ultime espoir de retrouver la beauté. Alors, on en ressort avec de beaux cheveux, mais hélas, toujours laid ! Et moi, en regardant ce visage dans ce miroir, j’eus une révélation: je faisais partie des leurs. J’étais laide. J’avais une grosse repousse de cheveux gris s’harmonisant avec une crinière de sous-cheveux cassés et drus… J’avais l’air d’une déprimée en vacances de soins beauté. Mais qu’est-ce que je raconte? Je suis une déprimée en vacances de soins beauté ! Je tente alors de me changer les idées. Une grosse femme (laide) se promène de long en large en parlant à son cellulaire. Elle fait figure de femme importante qui, hormis sa corpulence, brasse de grosses affaires. Et sa situation n’a pas l’air très rose. J’imagine facilement sa conversation : " Ça n’arrive qu’à moi ce genre de mésaventures… Remplace l’avocat par un pied de céleri, je ferai de la soupe. On mangera de la soupe et c’est tout, c’est mon dernier mot! " Et soudainement, je la vis. D’un geste inattendu, elle étendit son bras accompagné du mouvement stupéfiant de son gras de bras jusqu’à sa voluptueuse bouteille de … et oui, de Pepsi. La sal… ce qu’elle est laide…
Mercredi, 17h00, je me sers l’autre moitié de la bouteille. Étonnamment, un souvenir d’enfance refait surface. Lorsque j’étais jeune, j’adorais les boissons gazeuses, mais il m’était impossible d’en boire plus d’une demi-cannette. Bon, je sais. Ce n’est pas un souvenir de mère aux cheveux blonds et père riche m’emmenant passer un séjour de rêve voir Mickey à Dysney World… Enfin, je ne pouvais boire plus d’une demi-cannette parce que mon ventre gonflait trop. Il faut croire qu’avec l’âge, j’ai pu y ranger de plus en plus de souvenirs, de boissons gazeuses et autres articles divers.
Le soir, je me changeai les idées en allant voir le film : " Les grandes chaleurs " en compagnie de mon amie journaliste. L’histoire d’une travailleuse sociale qui tombe littéralement en amour avec un ex-client carencé, mais oh! combien beau. Un film léger, drôle par moment, mais avec quelques défaillances, surtout du point de vue du scénario. Alors, journaliste et moi avons entrepris de réécrire le scénario à la sortie du film :
" L’ex-client est obnubilé depuis longtemps par la travailleuse sociale qui l’a toujours traité en être humain et non en voleur toxicomane. Il s’organise alors pour la rencontrer régulièrement simulant souvent le hasard. Celle-ci trouve d’abord ses manigances drôles, mais pas vraiment sérieuses. Cependant, au fil du temps, le jeune homme pose des gestes d’une douceur et d’une affection qu’elle n’a jamais rencontrée et celle-ci doit de plus en plus résister à son attirance.
Éthique ou morale (?) obligent! On ne saute pas dans les bras d’un jeune de 30 ans de moins que nous, ayant été notre protégé et étant sorti du système depuis seulement un an… et encore moins, lorsqu’on s’aperçoit qu’il est encore fragile émotivement! On se calme les hormones!
Enfin, lorsque la travailleuse sociale apprend que sa propre sœur la trompait avec son mari, qui vient de décéder, elle pète les plombs et couche avec ce jeune qui se retrouve au mauvais (ou bon ?) moment au mauvais (ou bon?) endroit."
Voilà. Avis aux producteurs hollywoodiens. Si vous voulez refaire le film, nous sommes prêtes à vendre notre scénario. COPYRIGHT! On est une star ou on ne l’est pas ! Tout est dans la tête. Et moi, j’ai quand même au moins six visiteurs par semaine sur ce blogue.
Je suis ressortie du film avec l’envie d’embrasser un homme, mais homme pas là, alors vide et vide = Pepsi ! Ma vie est tout de même pas très compliquée, vous devez bien l’avouer. De retour chez moi, pas d’homme, pas de Pepsi, je m’installe confortablement devant la télé, j’enlève mes souliers et soudainement une certaine exhalaison monte et me révèle comme un éclair dans une tempête : "Pepsi, pas Pepsi, homme pas homme, faut quand même se laver les pieds de temps en temps!".
Jeudi, le 13 août 2009
Première journée de travail. Les vacances furent trop courtes. Neuf semaines ! Je sais, ça vous semble beaucoup. Mais plus les vacances sont longues, plus on a le temps de déprimer. Et on prend les quatre premières semaines pour se reposer de notre année de travail. Et ensuite, on part trois semaines en vacances et il ne nous reste plus que deux semaines pour se convaincre que l’on doit revenir au boulot. Alors vous voyez, vous qui n’avez que deux semaines, combien vous êtes chanceux. Votre vie est beaucoup plus simple. Pas le temps de vous casser la tête parce que vous n’avez pas vraiment le temps de décrocher et de vous reposer. Vous habitez un pays en guerre ayant un faible taux de dépression et vous n’avez juste pas le temps ni le loisir de vous faire du souci. Vous devriez vraiment réaliser et remercier le ciel de voir à quel point vous êtes béni des Dieux. Profitez bien de vos deux semaines !
Alors première journée de travail, quatre rencontres. Je n’ai pas vraiment le temps de respirer, pas le temps de boire, ni de manger, ni même le temps de penser à respirer, boire ou manger. Voilà. Pour avoir eu de trop longues vacances, nous recevons notre punition. Le reste de l’année, vous allez travailler jusqu’à ce que mort de fatigue s’ensuive. Nul besoin de cravache pour vous faire avancer. Seulement des rangées de mots interminables qui tournent en rond pendant des journées entières.
Enfin, de retour à la maison, je me sers ma dernière bouteille. Avalée d’un seul trait. Pas de plaisir. Rien. C’est fini. Plus de pepsi. Je ferme la télé. Je lis. Je m’endors. Triste vie.
Vendredi, le 14 août 2009
Lorsque nous écrivons un journal, sommes-nous vraiment obligés de raconter chacune de nos journées ? Parce que vous savez, certaines d’entre elles n’ont vraiment rien à révéler. Elles se déroulent mornes et grises, telles des journées sans soleil, sans histoire. Cela vous intéresse-t-il vraiment de savoir que j’ai lavé mon four, que j’ai fait le ménage de la garde-robe de ma chambre, que j’ai lavé mon plancher et qu’il ne me reste que mon lavage que je planifie faire dimanche ? Êtes-vous vraiment intéressés de savoir que j’ai tué le reste du temps en allant acheter des crayons et du papier chez Zellers ? Bon, peut-être cette histoire du quotidien pourrait-elle vous rassurer à savoir qu’une personnalité telle que moi a une vie aussi insignifiante et que la vôtre vous semble tout de même plus intéressante ? À la bonne heure ! Si ma vie terne peut aider à remonter votre moral, j’aurai le sentiment de jouer mon rôle de travailleuse sociale jusque dans l’inintérêt de ma propre existence. Tant mieux, mais je passerai quand même l’histoire de ce vendredi sans importance et sans Pepsi.
Samedi, le 15 août 2009
Belle journée en perspective, soleil rayonnant, chaleur vibrante, cœur joyeux. Aujourd’hui, moi, travailleuse sociale et neveu allons à la montagne. Oups, fâcheux contretemps, batterie d’auto à plat. Travailleuse sociale a encore laissé ses lumières allumées. Parce que lumières ne sonnent pas. GRRR! Travailleuse sociale n’a pas (encore) les moyens de se payer une auto neuve avec sonnerie de lumières intégrée. " Mais tout ceci n’est qu’un léger contretemps " se dit-elle en passant futilement la main dans ses cheveux si magnifiquement bien coiffés et volant allègrement vers le téléphone.
Appel passé à mère de neveu pour venir porter neveu et "booster ma batterie de char". Mais mère de neveu a peur des câbles de recharge. Mais oui, câbles de recharge peuvent probablement exploser et souffler la Ville de Montréal de tous ses habitants ! Mère de neveu ne veut pas être responsable d’un tel carnage. Je tente alors de rassurer mère de neveu que tout va bien, que travailleuse sociale est très habile avec câbles de recharge. Elle a même grandi avec câble autour du cou. Mais sitôt argument répondu, océan d'arguments déferlent en vagues sur travailleuse sociale ! Mauvaise nuit, fatigue extrême, mal à la tête, douche à prendre, vie tellement difficile, peur de conduire en ville (Voyons tab… tu viens de faire 1200 km Montréal, Tadoussac, Montréal, pis t’as peur de faire 60 km à Montréal ?) et finalement, mère de neveu, avoue, journée pour aller à la plage. Travailleuse sociale, en beau fusil, oublie toujours que mère de neveu, croit descendre d’une longue lignée de couronnes royales. Alors, neveu, 12 ans, jette l'ancre et remet au lendemain promenade en montagne pour permettre à altesse royale de rayonner sur sa propre journée.
Rage de travailleuse sociale. Désir intense de couper les ponts avec Altesse royale si ce n’était de neveux et nièce. Fantasme de boire pepsi jusqu’à destruction d’estomac et de conscience. Fantasme de tentative d’assassinat d’Altesse royale à coups de bouteilles de Pepsi. Fantasme inapproprié et honte de fantasme. Alors décision de coup d’État d’Altesse royale. L’été prochain, amènerai neveu en lieu de vacances où nulle Altesse royale n’a jamais mis les pieds. Simple travailleuse sociale ferai démonstration de richesse et plaisirs supérieurs à Altesse royale. Travailleuse sociale comprend toujours dans ces moments pourquoi pas vouloir famille et bien consciente de difficultés à surmonter pour atteindre nirvana bouddhiste. Surmontera difficulté autre journée. Pour l’instant d’la m… ! Et aujourd’hui, samedi, travailleuse sociale fait lavage du dimanche avec symptômes de rage.
Dimanche, 16 août 2009
Travailleuse sociale, à peine calmée, passe prendre neveu chez Altesse royale et se rend à la montagne. Aussitôt rendue à la montagne, pédale d’embrayage meurt. Travailleuse sociale réussit à stationner auto et décide de grimper la montagne avec espoir de résurrection de pédale d’embrayage à la fin de journée. Mais travailleuse sociale ben nounoune en mécanique, se ramasse en fin de journée à appeler son garagiste et chercher du liquide de frein auprès des Montréalais venus monter Mont Saint-Hilaire. Échec total de recherche et garagiste doit remorquer. Richesse de travailleuse sociale vient de fondre et stratégie de coup d’État reporté. Travailleuse sociale et neveu reviennent à la maison crottés, affamés et décident d’aller se gaver chez McDonald pour récompenser neveu bien patient tout l’après-midi. Mais hamburger et frites sans Pepsi? Avec lait ? Avec jus ? Beurk ! Égal à machine à coudre sans fil. Travailleuse sociale se résigne à accompagner repas d’un Pepsi. McDonald pas servir Pepsi, juste Coke. Alors, ça ne compte pas.
Après avoir rassasié neveu de calories non calculées et surtout incalculables, travailleuse sociale, le coeur plein d'espoir de renouveler l'expérience de plein air avec magnifique neveu, réclame son verdict pour sa première journée en montagne :
" Matante, j’ai beaucoup aimé monter la montagne. Mais la prochaine fois, est-ce que ça pourrait être moins à pic ? "
Bonne semaine !
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