Bienvenue sur mon blogue de lecture virtuelle !

Pour tout vous dire, je suis une travailleuse sociale qui est devenue enseignante. J'aime écrire. Honnêtement, depuis ses tout débuts, je m'oblige par ce blogue, à écrire et ainsi me maintenir dans un processus de création. Je n'ai pas vraiment d'objectifs autres que d'écrire et de me divertir. J'espère aussi que vous saurez trouver un peu de plaisir à me lire.


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samedi 24 octobre 2009

Amour, guerre et lahmajouns

(Lahmajouns : Pizza d’une nationalité… appelons-les, les mangoulais. Cette histoire est véridique. Seule certaines nationalités ont été changées afin de conserver l’anonymat des zéros de cette histoire.)

L’amour a cela d’étrange, que sans savoir pourquoi, un beau jour, nous sommes animés par une passion dévorante qui embellit notre quotidien. Il a aussi un côté obscur qui fait qu’un autre beau jour, on se réveille et puis, plus rien. C’est parti. C’est fini. N’en parlons plus. Moi, j’en parle encore, mais c’est la dernière fois, je vous le promets. Parfois, le réveil est brutal et avec le recul, on se demande: " Mais comment ai-je pu l’aimer ? Que pouvais-je bien lui trouver d’intéressant? ". Dans ce cas-ci, la seule réponse qui me vienne à l’esprit semble être la présence d’une tumeur au cerveau ! Une tumeur qui a du miraculeusement se résorber à coups de rayons de négativisme laissé dans son sillon par la guerre vécu dans son enfance.

Il faut dire que la guerre, il connaissait. Son peuple avait été victime de deux génocides et a du s’expatrier se parsemant ainsi dans tous les continents de la terre. De plus, il a passé sa jeunesse à vivre dans les bombes de la guerre du Liban. À dix ans, il livrait à vélo, pour le dépanneur du coin, en tentant de se frayer un chemin parmi les cadavres afin d’arriver à destination, avec sa caisse d’avocats, sains et sauves. Sa famille avait du se déraciner et quitter ce pays magnifique par trop bouleversé. Alors, quand j’arrivais le soir, recherchant la compassion d’un amoureux parce que j’étais déprimée et que je me trouvais trop grosse, je me retrouvais devant la chaleur et l'indifférence d’un mur de briques pris dans une tempête hivernale.

Vraiment très difficile de faire pitié. Ton père t’a battu ? Chanceuse, j’aurais tout donné pour avoir un père. Le mien s’est fait tué dans une embuscade alors qu’il revenait de son travail. Ta sœur t’énerve ? La mienne a sauté sur une mine antipersonnelle… on a du l’amputer de ses deux jambes et elle vit au crochet de ma famille maintenant. Tu ne trouves pas un bon emploi parce que tu n’étais pas bonne à l’école ? Mais au moins, toi tu as eu la chance d’aller à l’école, moi, mon école a été détruite par une bombe… Après quelques-unes de ces répliques, je commençai à comprendre qu’il me serait difficile de gagner la bataille de la compassion. J’étais la chanceuse, celle qui avait tout eu; ma misère d’enfance se transformait soudain en richesse de conte de fées.
Je comprenais alors… enfin, je faisais mon possible pour comprendre… même si j’avais l’impression d’entendre mon grand père se plaindre de la vie pendant la deuxième guerre mondiale, je tentais alors de comprendre l’extrême misère dans laquelle il avait vécu. Mais je ne m’avouai pas vaincu pour autant. Et je décidai de faire la guerre à la guerre pour gagner une place dans l’amour. Mais je le comprendrai beaucoup plus tard, je ne soupçonnais pas encore la force de mon adversaire…

Je l’aimais assez à cette époque pour faire des efforts afin d’essayer de saisir la difficulté qu’avait vécu sa famille d’avoir à tout reconstruire dans ce nouveau pays, le Canada. Ne nous méprenons pas ici, ne commettons pas l’odieux de parler du Québec en tant que terre d’accueil, mais de Laval, au Canada. Le front glorieux du Canada, cette entité plus grande que la vie elle-même, cette entité qui avait sauvé la sienne… Ce Canada était inattaquable.

- " Mais qu’ont-ils cette gang de " pepsi " à réclamer l’indépendance face à la magnifique population nord américaine de buveurs de Coke ? Qu’ils arrêtent donc de se plaindre le ventre plein ! ".

Cette lutte impensable et incompréhensible pour l’indépendance, ne laissait présager rien de bon. C’était la guerre civile assurée. Ayant troqué son vélo de livreur par un taxi de chauffeur, il se voyait déjà conduire les avocats parmi les rangées de cadavres canadiens. Et ces castristes marxistes de gauche de Québécois ne pourraient s’empêcher de jeter les pauvres canadiens dans le fleuve en criant méchamment que la pollution de ce cours d’eau augmenterait en flèche ! On pouvait même déjà entendre leur rire empreint de méchanceté indélébile marquée par un sourire sans dents parce qu’ils ont jamais lavé leur maudite bouche sale !!!!

" Ben là, calme-toi maudit niaiseux " que je lui répondais avec toute la compassion et la tendresse dont j’étais capable en ces moments de détresse et de paranoïa extrêmes.

En prévision de cette guerre, sa maison devenait un bunker remplie de provisions. Sa mère, ah oui, sa mère vivait avec lui, voilà encore un élément qui augmentait son charme et laissait entrevoir vraiment beaucoup de bonheur pour notre avenir de couple. Étant le plus jeune de la famille et ne s’étant jamais marié, il était le poteau de vieillesse de sa mère… ça vous dis-tu quelque chose ? Ma parole, des fois, je me serais crue dans les années 40… En tout cas, sa mère, qui ne parlait pas un mot de français et avait un début d’Alzheimer, faisait des provisions en quantité incroyable. Le sous-sol en était plein. J’y comptais des dizaines de pots d’eau de Javel, autant de boîtes de savon à lessive et savon pour la vaisselle ainsi que des pommes, des noix etc. Pour faire une comparaison, ma mère avait toujours dans sa garde-robe, une jaquette qu’elle gardait propre au cas où elle serait malade et devrait aller à l’hôpital. Pour la mère de mon amoureux, c’était les pommes et les noix. Elle gardait les fraîches aussi longtemps qu’elle le pouvait et mangeait les ratatinées.
Donc, dans ce sous-sol, j’étais persuadée qu’on tiendrait très longtemps en temps de guerre et en plus, qu’on mettrait des années à me retrouver, cachée sous les piles de pommes et de noix. Dans ce sous-sol transformé en garde manger, on y trouvait également des dizaines de pots de nescafé et de " coffee mate ". Il faut dire que dans cette maison, on y buvait de l’excellent café turc… excusez, mangoulais, veuillez noter ici que l’on traitait avec la plus haute importance toute occasion de combattre les Turcs. Bref, ce merveilleux café était suivi d’une bonne tasse de nescafé instantané mélangé avec du " coffee mate ". Et oui, on me servait du MacDonald dans de la vaisselle en or… C’est qu’il fallait pas gaspiller. Fallait tout avaler, même le nescafé. On a déjà tellement manqué de tout. F… ! Je sortais avec un ancien " biafra ", un de ceux dont ma mère me parlait quand je ne voulais pas finir mes légumes. (Et un biafra? D’où ça sort ce mot-là ? Si quelqu’un peut me l’expliquer, j’aimerais bien !)

Une chose que je reconnais à cette famille est que j’ai toujours mangé comme une déesse. Lahmajouns, steak tartare, soupe aux boulettes de bœuf haché et yogourt, aubergines, choux et tomates farcies, soudjouk, basterma ! C’était vraiment fabuleux. Tout le monde dans cette famille était gros, ne nous le cachons pas, et moi, je me disais qu’il me fallait faire mon effort de guerre pour en devenir membre ! De toute façon, manger, était l’activité principale dans cette vie. On reçoit de la visite ! Sors la bouffe ! On visite les voisins ! Sors la bouffe ! On va au cinéma ? Sors la bouffe ! Après un an et dix livres en plus, j’ai tenté de résister. Mais peine perdue parce que le mot " non à la bouffe " n’existe pas dans la langue mangoulaise. Dire non à la bouffe était une attaque personnelle contre l’identité mangoulaise et le peuple tout entier. Cette bataille était perdue d’avance autant devant l’insistance familiale que devant la succulence de ses plats. Et moi, je disais non, non, et ben...ok,,, juste un peu, pour les faire taire, ... mais juste un peu c’était impossible… trop bon pour résister… et je disais nouiiii jusqu’à ce que je roule en boule pour me rendre à mon lit.

Et j’ai dit nouiiii, jusqu’à ce que monsieur mangoulais me reproche de prendre du poids.

- " Tu as vu tes fesses ? Elles commencent à élargir dangereusement je trouve ".

- " Pardon ? Tu t’es pas vu toi ? Tu pèses 250 livres ce qui fait environ 100 de moins que ta mère ! Tellement que l'autre jour, elle s'est assise sur un avocat et elle s'en est même pas aperçue! Osti, quand je veux pas manger, je me fais quasiment gaver de force et tu commences à m’écœurer parce que j’ai le derrière en forme de lahmajouns ?".

- " Calme-toi, c’est pas beau pour une femme de sacrer ! "

- " Mange donc de la m… ! "

- " Les insultes sont l’apanage des pauvres d’esprits ! "

- " Osti, ben remange de la m…! "

En ces instants, je n’y pouvais rien. Autant de médiocrités faisait surgir en moi des bassesses émotives insoupçonnées. Mais l’insulte dans l’intimité ne servait à rien. Il fallait qu’elle soit perpétrée en public. Parce qu’un mangoulais, c’est bien élevé. Lorsque le mangoulais et moi sortions les fins de semaine , il ne pouvait s’empêcher de mettre son habit et sa cravate. Bon, je trouvais ça un peu con mais je pouvais quand même tolérer. Mais il fallait pas non plus que je lui fasse honte en public. Et ça, et ben, c’est ma grande force, moi, faire honte au monde devant le grand monde.

Alors je sortais mes pires insultes.

Devant la visite mangoulaise :

- " Tu as vu le pape ? Il est déjà mort mais on le promène attaché à un morceau de bois pour l’aider à bouger comme une marionnette ! " (insulte au pape, insulte suprême dans la culture mangoulaise).

Au resto :

- " J’ai pas compris. Tu peux parler plus fort ? J’ai de la misère à t’entendre avec toutes les bulles qui pètent constamment dans mon cerveau ! ".

Dans son jardin, devant les voisins :

- " Tes concombres n’ont pas la vivacité de mes tomates ! ".

- " Ta tête est grosse comme une citrouille, pis toé t’as qu’à te tenir sur ton balcon les soirs d’halloween si tu veux avoir de la visite des enfants! ".

Et je réalisais que ma lutte pour prendre ma place dans cette relation était veine. Elle s’était transformée en guerre contre le mangoulais, contre la famille et la communauté mangoulaise et contre moi-même, qui, telle sa mère, était devenue amèrement amère.

Et un beau jour, alors que je cherchais à me dépêtrer du mieux que je le pouvais dans cette lutte pour ma survie, je reçu le coup fatal. Le tir du prisonnier condamné à mort. Le maudit mangoulais partait en voyage avec son crétin de voisin alors qu’il n’avait rien voulu faire pendant mes vacances. C’en était trop ! Mon coeur venait de sauter sur une mine antipersonnelle, brisé en mille morceaux, transformé en moignons pour l'empêcher de saigner plus à fond. À force de lutter, mon corps était devenu un pays en guerre. Anéanti par trop de batailles perdues. Je compris alors qu’il me fallait fuir, loin de mon pays et me reconstruire, pour trouver la paix.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

L'expression biafra fait référence à une région (la région du Biafra) en Afrique où dans les années 70, il y a eu une très grande famine, conséquence d'un conflit. La télé du monde entier a montré pour une des premières fois, des images d'enfants hyper maigres avec le ventre gonflé qui étaient en train de mourir. Les gens ont été marqué et c'est devenu une expression...C'est pas mal ça... :)

Travailleuse sociale a dit…

Merci à toi d'avoir fourni cette information. Je me souviens très bien de ces images ... et du chantage consécutif de ma mère aux repas...

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