Peut-être est-ce le vide que je déteste ? Me retrouver seule face à moi-même alors que l'attente était toute autre ? Je ne le sais trop. Ce que je sais par contre, c'est que je supporte mal les gens en retard. C'est pour moi une façon trop indigne de te laisser savoir que ton existence, ton temps représente une nullité infime dans la perception de celui qui te fait attendre ... parce que lui n'est pas en retard, non, c'est toi qui attend qui a le problème au bout de ta montre ! Alors je me décide d'être celle qui sera en retard pour ce cours no. 3...
Le cours est à 19h00. Je prends le temps d'écouter Les Experts jusqu'au bout, même si ça fait la 5ième fois que je vois toutes les émissions, j'ai la chance (sic!) de n'avoir aucune mémoire. Alors pour moi, la surprise est souvent au rendez-vous lorsque le coupable est démasqué. Je mets mes bottes, mon manteau, marche environ 50 pas jusqu'à ma voiture, du temps, du temps... tourner la clef dans le contact, faire mes stops irréprochablement pour tout policier hypothétique se plaçant sur mon chemin, trouver un stationnement, barrer ma porte d'auto, compter les marches, arriver au cours.... Tout le plus lentement possible même si mon esprit me fait la morale m'indiquant que je suis celle qui ne respecte pas le cours, que le prof, malgré ses propres imperfections, me le reprochera parce que peut-être, je dis bien peut-être, ses deux retards successifs n'étaient que le fruit du hasard....
Bref, j'arrive au cours, et les madames discutent de tout sauf de dessin. Facile, malgré le 19h10 que j'ai réussi à atteindre flamboyeusement, le mÊÊÊÊÊtre n'est toujours pas arrivé... 5 minutes plus tard, il arrive enfin... s'excusant à peine que le guichet de la Caisse populaire était plus lent qu'à l'habitude... Et moi qui me retient, pas trop difficilement ayant appris que répliquer "C'est pas beau!" quand on se veut bien élevée, je me disais qu'à 18h00, le guichet était peut-être aussi lent mais qu'une heure ça donnerait bien le temps d'arriver à l'heure...
Enfin, le sujet du cours était les ombres. Une cruche sans éclat, une cruche or et rouille, se dressa fièrement devant la classe. Nous devions bien sûr la reproduire en fonction de supposées lignes droites et lignes verticales (quoi ? c'est quoi qu'il dit là ?) ou en tout cas, faire ce qu'on pouvait et surtout, reproduire les ombres.
-" Vous êtes chanceuse d'être placées en face " nous dit une femme. "Moi je suis de côté et j'ai de la perspective !". Pauvre madame. Est-ce qu'elle me voit comme une feuille plate lorsqu'elle se place devant moi ? Est-ce que pour elle je ressemble à Gumbi ? Je sens qu'une petite visite chez l'optométriste pourrait se révéler profitable pour l'optométriste !
Enfin, je planchai pendant 1h30 sur la reproduction de cette vieille cruche (non, pas la madame ! vous avez dont l'esprit mal tourné...), sorte de coupe Stanley pour loosers. Je sentais que je manquais de temps pour absolument tout. J'avais besoin d'au moins deux jours pour tracer ses contours correctement, en respectant les proportions, la perspective et ensuite deux jours à m'échiner sur les ombres... Et toujours ce conseil qui me tue. " Allez-y franchement avec le noir! Sinon, votre dessin sera trop blanc ! " Et pendant cette heure trente, le mÊÊÊÊtre prit son temps avec ses élèves de peinture pour finalement venir nous voir et retracer les imperfections sur nos feuilles... à la toute fin du cours.
GROS MALAISE s'installe graduellement en moi. Suis-je véritablement entrain d'apprendre à dessiner ou à graduellement développer mon incompétence ?
Voici donc, bien humblement, le fruit de mon fiasco. Quelle cruche je fais ! :o)