Bienvenue sur mon blogue de lecture virtuelle !

Pour tout vous dire, je suis une travailleuse sociale qui est devenue enseignante. J'aime écrire. Honnêtement, depuis ses tout débuts, je m'oblige par ce blogue, à écrire et ainsi me maintenir dans un processus de création. Je n'ai pas vraiment d'objectifs autres que d'écrire et de me divertir. J'espère aussi que vous saurez trouver un peu de plaisir à me lire.


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Alors bonne lecture !

vendredi 25 septembre 2009

Le complexe du célibataire ou la complexité du célibat

Hier soir, j’ai assisté au spectacle de Fabrice Luchini. Je l’avais entendu à la radio et m’étais esclaffée à quelques reprises en seulement quelques minutes d’entrevue. Alors sans trop me poser de questions, je me suis offerte un billet de spectacle comme cadeau d’anniversaire. J’ai trouvé que c’était un très bon spectacle et de surcroît assez original. Luchini lit des passages de livres très intellectuels, appartenant à Paul Valérie, Roland Barthes, Nietzche, entre autres, en les parsemant de commentaires bien personnels. Il me fallait être très attentive puisque, comme dirait une personne que je connais, il s’agissait-là d’une forme de " diarrhée verbale " (peut-être l'expression "avoir le flux" vient-elle de là?); un véritable flot de paroles ininterrompues citant des textes très difficiles à piger. D’ailleurs, ma compréhension de ces textes ne s'est pas élevée en cette soirée, en d’autres mots, je n'en suis pas ressortie avec l'envie incontrôlable de découvrir ces auteurs classiques. En réalité, je suis un peu restée sur ma faim avec l'impression inconfortable que finalement, je n’avais pas compris grand chose. Je me disais également que si j'étais en face de M. Luchini, ma plus grande frayeur serait d’avoir à soutenir une conversation. Alors lorsque tu quittes une soirée avec l’impression que les 899 autres personnes dans la salle se sont pâmées pour ces auteurs, peut-on vraiment se sentir bien avec soi-même ?


De cette expérience, j’en suis ressortie accompagnée d’une drôle d’émotion; une émotion que je croyais éteinte à tout jamais; que je croyais avoir découverte, comprise, mâchée, vécue et résolue ! Et bien non . Je vous annonce que tout peut remonter à la surface peu importe ce que vous croyez avoir fermement et catégoriquement quitté depuis longtemps. Tout à fait comme Bobby Ewing dans Dallas qui revient prendre sa douche avec Pam, comme si de rien n’était, alors qu’il était mort dans un épisode précédent ! Ah! Cette vie parfois !


Est-ce ce que ma mère appelait le retour hormonal ou en d’autres termes le retour d’âge ? Il semble ainsi que nos désordres de jeunes adultes peuvent refaire surface plusieurs années plus tard, et au moment où vous vous y attendez le moins, et vous faire revivre exactement les mêmes traumatismes. S'il est possible de régresser ainsi, pas étonnant que l’on puisse traiter les personnes âgées comme des enfants !

Au début de la soirée, j’étais vraiment contente d’aller voir un spectacle. Le dernier en lice était un show de Michel Sardou; être sublime qui me charmait depuis mon adolescence. Je connais presque toutes ses chansons aussi bien que les femmes du monde entier connaissent celles de Joe Dassin. Je rêvais de le voir et de l’admirer depuis des lustres. Alors, quelle ne fût pas ma surprise d’assister à la déchéance d’un vieux chanteur avec la voix désormais torturée et qui déambulait sur la scène avec la volupté d’un pingouin en phase terminale d'un cancer agressif ! Mon fantasme d’adolescence fût dès lors complètement mis en pièces. J’avais vraisemblablement eu des attentes trop élevées. Alors, pour le spectacle de Luchini, je m'exerçais à ne m’attendre à rien. C’était un exercice un peu difficile surtout avec les 120.00$ déboursés… Enfin, en achetant ce fameux billet, j’étais très heureuse, j’avais trouvé une très bonne place au parterre. Bien sûr, même si je n’ai pas fait le pied de grue dehors pendant trois jours en attendant que les guichets ouvrent, j’avais une place formidable dû au fait que j’achetais un seul billet. Un billet pour une personne… seule.


Si j’avais eu un miroir, j’aurais alors lu la terreur se dessiner sur mon visage. J’allais voir un spectacle de 120.00 $ moi, toute seule, avec personne pour discuter avec moi, personne pour attendre dans la file d’attente avec moi, personne pour faire semblant d’être intéressant pendant l’entracte, personne pour donner un sens à mon existence un soir de spectacle. Et c’est là, à ce moment précis que je sentis le traumatisme " de l’activité célibataire " refaire surface…. Je pensais pourtant l’avoir bien combattu. Ayant passé une bonne partie de ma vie seule, j’avais un jour, je ne me souviens plus quand, décidé que j’avais le droit de vivre autant que les couples, autant que les familles et que je ferais les mêmes activités que ceux et celles qui se donnent le droit de vivre. Mais je ne sais pas trop comment, ce pan de ma vie semblait désormais m’échapper.

À l'époque, un des premiers pas que j’avais réalisé, était celui d’aller au cinéma seule. Je vous dis pas parfois combien le film peut-être long. Je me souviens d’ailleurs, il n’y a pas si longtemps, être allée voir Benjamin Button (un film d’amour avec Brad Pitt qui naît vieux et rajeunit toute sa vie) dans une salle tellement comble que j’avais dû m’asseoir dans la deuxième rangée à l’avant. Ma proximité de l’écran me faisait sentir littéralement la complexité des personnages. Je faisais presque partie de l'histoire. Autour de moi, hormis celui sur l’écran, il y avait des couples partout, qui discutaient, qui évoluaient au rythme du film faisant vibrer leurs émotions à l’unisson tout en mangeant du maïs soufflé… Je ressentis le soulagement lorsque la lumière s’éteignit parce que tant et aussi longtemps que la lumière est allumée, tu as la conviction inébranlable que tout le monde te regarde, toi qui est si seule, et se demande : " Mais qu’est-ce qui cloche avec elle, elle vient voir un film d’amour toute seule ? Pourtant elle n’est pas si moche que ça. Pourquoi, elle ne "pogne" pas? ". À cette question, j’avais ma réponse toute faite : " Mon copain travaille ". Mais le problème, et il est de taille, c’est que personne vraiment ne te pose jamais la question qui permettrait de sauver la face. Ce qui est encore plus pathétique : avoir une explication si boiteuse soit-elle et ne pas pouvoir l'utiliser.

Par la suite, l’autre pas vers " l’autonomie de la célibataire en activités " a été de ne plus me fondre dans la masse du MacDonald ou du Burger King mais de me rendre sans honte dans un restaurant où une serveuse devrait m’apporter mes plats. Au départ, on ressent un vif sentiment d'inconfort. Quand on est seule, on occupe forcément une table pour deux à moins d’aller au comptoir et de regarder le barman d’un air désespéré. Alors, j’avais nettement l’impression de faire marcher un pauvre être humain pour servir une table à moitié vide (ou à moitié pleine, selon le fait que l’on possède une personnalité positive ou négative). Et de plus, que faire, seule, dans un restaurant plein. Tout le monde s’active, discute, bois, a du plaisir. Toi, tu regardes ton plat. Et avant de recevoir ton plat, tu regardes le mur. Alors, après quelques reprises, on comprend qu’il faut s’apporter de la lecture ou du travail pour combattre ce malaise. On comprend également qu’il faut éviter le restaurant seule le soir de la Saint-Valentin, de la fête des mères, de la fête des pères et finalement, à peu près tous les soirs parce que l’atmosphère étant à la fête, c’est difficile d’avoir l’air dans le coup en regardant soit le mur, soit ton journal, soit ton travail. Lorsqu’on va au restaurant seule, c’est vraiment fou le boulot qu’on abat, ce qui semble être très bon pour ton employeur mais une mauvaise chose pour ta vie sociale.

Pourtant, j’ai connu des personnes beaucoup plus braves que moi en matière d'activités solitaires. Je me souviens d’une femme qui fréquentait les musées et les bibliothèques pour rencontrer des hommes. Elle avait même rencontré un homme à la bibliothèque avec qui elle avait entretenu une correspondance écrite après avoir trouvé son adresse… Quel romantisme! Enfin, il y a un côté de moi qui trouve qu’elle était brave et l’autre qui croit davantage que son comportement sentait honteusement le désespoir. Moi qui n’aborde pas facilement les gens, je me vois mal aborder un homme entre deux rangées de livres et dire : " hum… ". Bouillonnement intensif de neurones… hum… Rien vraiment n’arrive à sortir de mon cerveau si ce n’est : " C’est un très bon choix de livre que vous faites là ". De toute façon, lorsque je trouve quelqu’un à mon goût, les phrases qui sortent de ma bouche sont en général tout à fait insignifiantes. Totalement incapable d’épater la galerie ! Le style de phrase auquel il est même difficile de trouver une réponse autre que "oui", "non" , "peut-être" ou "merci". Alors mon manque de technique de drague me mène généralement à un vague sentiment de " grosse nounoune qui devrait recommencer à faire de la couture ", activité qui me sied beaucoup mieux.

Ainsi, à force de me forcer à sortir seule, j’étais arrivée à ne plus me demander ce que les autres pensaient ou disaient de cette pauvre femme esseulée et je réalisais mes activités sans problèmes. Il faut croire qu’il y a longtemps que je n’ai plus pratiqué ce type de sortie puisque hier soir, je me suis soudain aperçue que je travaillais très fort pour planifier ma soirée afin d’éviter le plus possible les moments d’inconforts. Je suis d'abord allée chercher mon billet très tôt dans la soirée, pour éviter de me retrouver à attendre en ligne, toute seule entourée de tous ces gens qui prennent tant plaisir à bavarder de tout et de rien. Ainsi, il me restait une bonne heure avant le spectacle, heure que j’ai occupée à magasiner. Ce ne fût que du temps perdu, puisque je ne pouvais rien acheter… je me voyais mal entrer dans le théâtre avec mes sacs de bobettes neuves et de toutous décoratifs.


J’anticipais également le moment où j’entrerais dans le théâtre et qu’il me faudrait attendre que le spectacle commence. Toutes sortes d’angoisses se sont alors imprégnées en mon être comme celle qu’on puisse me demander de laisser mon manteau au vestiaire. Il me semblait que ce dernier me protégeait du monde extérieur créant ainsi une barrière psychologique et émotive avec mon entourage. Je ne voulais non seulement qu’on voit une pathétique femme seule dans une salle de spectacle mais en plus une pathétique femme seule avec un chandail trop serré et des bourrelets sortant du dessous de sa "brassière" et qui avait mis un manteau pour cacher ses imperfections… J’avais aussi un peu peur de rencontrer une personne que je connaissais et d’avoir à justifier pourquoi je venais voir un spectacle non accompagnée. Une amie m’avait d’ailleurs composé une excuse toute faite " Je n’ai trouvé personne qui avait 120.00$ à placer sur le prix d’un billet "… sauf moi, la cave qui n’a vraiment rien d’autre à faire… pis tout le reste de la salle. Je pouvais même imaginer le dialogue :


" Allo ! Travailleuse sociale ! Mais quelle joie de te rencontrer ici ce soir! Tu es avec quelqu’un ? ".


" Non, non, je suis venue toute seule ".


" Ah, ben. C’est spécial. Mon dieu, moi je pourrais jamais, je serais bien trop gênée! Mais toi, t’es bonne d’être capable ".


" Ben, y’a rien là ! C’est normal d’apprivoiser la solitude. (Ça fait juste 20 ans que je l’apprivoise!, m'écrierais-je intérieurement). Et de toute façon, aucune de mes amies ne voulait dépenser autant pour un spectacle (sauf moi l'espèce de cave qui n'a rien d'autre à faire...)".

" Ah, parce que tu trouves ça cher ? Et ben… Mais t’as toujours pas de chum ?… pauvre toi. Tu dois être tannée hein ? Mais fais-toi en pas, ça va finir par t’arriver un jour " .

" Va dont c… grosse c... " que je me dirais dans ma tête pendant qu’elle retournerait à sa place et que mon visage ne montrerait qu’un faux sourire empathique.

Enfin, je me suis assise à mon siège attendant que le spectacle ne commence. J’ai admiré les plafonds décorés à l'ancienne. Les balcons sur les côtés m’ont intriguée. Une espèce de plate-forme en demi-cercle entourait les spectateurs. Cependant, cette plate-forme était posée sur une surface linéaire très étroite. Je me suis alors demandée si ce demi-cercle était nouveau ou encore s’il y avait des places assises auparavant, j’imaginais que les personnes devaient être assez à l’étroit dans ce petit espace. J’étais assise sur la même rangée que le gars du son qui a, un court instant, croisé mon regard. " Bon, c’est quoi son problème lui ? " me suis-je dit. Il y a 900 personnes dans cette salle et il ne peut pas regarder ailleurs ? J’ai l’air si bizarre que ça ?


Finalement, les lumières se sont éteintes et j’ai pu regarder le spectacle… sans rire trop fort. Parce que rire toute seule, c’est aussi un peu gênant. Ou encore pire, rire seule en un instant où personne d'autre ne rit. Le rire est une émotion qui se partage. Moi je riais pour moi, ce qui est assez inconfortable finalement. Et oh! joie immense!, il n’y a pas eu d’entracte. Et j’ai fini par oublier mon statut de solitaire et le prix du billet pour apprécier le comédien sur la scène.


Lorsque tout fût terminé, je me dépêchai de quitter la salle pour ne pas être prisonnière de la foule. À la porte, les caméras de " Tout le monde en parle " nous attendait. Il ne manquait plus que ça ! J’avais réussi à survivre au fait de passer une soirée toute seule pour voir filmer ma honte devant la population québécoise dans son entier. Quelle merde !

samedi 19 septembre 2009

Joyeux anniversaire !

Une année de moins au pays de son avenir. Une année de plus au pays de ses souvenirs.

Ce matin-là elle s’était levée de fort bonne humeur. Elle fêtait aujourd’hui son 45e anniversaire de naissance. Elle choisit dans sa garde-robe une jolie jupe verte qu’elle s’était confectionnée elle-même. Tel un dessin hideux d’un enfant qu’on aime passionnément, elle appréciait beaucoup plus ses vêtements, et ce, même les plus laids, depuis qu’elle les confectionnait elle-même.

Pour accompagner sa jupe verte, un chandail jaune et gai comme le soleil qui semblait rayonné pour elle. Après avoir déjeuné, elle se regarda dans la glace. Elle commença alors à calculer le nombre de lignes qui étaient apparues sur ce visage depuis un an. Elle se dit qu’elle pourrait presque y jouer aux mots croisés. Elle se ressaisit. Ce n’était pas une journée pour laisser couler les méandres de la déprime ! Elle devait fêter cette journée sans penser qu’elle y gagnait en âge ! Elle rechercha la moitié positive de son être et camoufla l’objet de son tourment avec un soupçon de maquillage.

Elle était très satisfaite de l’image que lui renvoyait son miroir. Après ce type de phrase, l’auteur d’un texte se met souvent à décrire la beauté de son héroïne… son visage ovale ? sa peau blanche qui reflétait la joie de vivre ? ses jambes gracieuses et longues comme cette journée d’automne ?… Étrange, l’inspiration ne lui vint pas. Disons simplement, que le miroir lui retournait l’image d’une femme de 45 ans habillée d’une jupe verte et d’un chandail jaune assorti.

10h00. Pas encore un seul coup de fil de ses amies. C’était normal, il était encore tôt dans la journée. Ses amies avaient des enfants, un mari, un chien, un chat que sais-je, un écureuil ! Elles devraient remplir leurs obligations conjugales et familiales avant de se ruer sur le téléphone pour lui souhaiter leurs meilleurs vœux. Lorsqu’elle faisait le ménage de ses boîtes de souvenirs, elle trouvait plusieurs cartes de souhait de sa mère disant " Bonne fête en retard ! ". Il était alors normal que si tôt le matin, personne ne l’ait encore appelé.

Bien habillée, bien maquillée, elle se demanda alors ce qu’elle pouvait faire de cette journée qu’elle voulait spéciale. C’était une splendide journée ensoleillée et comme à son habitude, elle n’avait rien organisé. Dans ses jeunes années, elle avait bien eu plusieurs activités : des tours de vélos, de la randonnée en montagne, du ski alpin, du ski de fond… Elle s’obligeait ainsi à rencontrer des gens passionnants et passionnés mais un beau jour, elle en avait eu assez de se passionner toute seule en arrière de la file à suer et courir après rien. Elle avait décidé de ne plus rien organiser. Alors, lorsque le temps s’offrait à elle, la seule idée qui lui venait à l’esprit, c’était d’aller magasiner. Elle aimait ça magasiner, mais n’aimait pas ça, aimer ça. Ce passe-temps lui renvoyait trop l’image de ces gens âgés qui tuait ainsi le temps mort…

Cette journée-là, elle se retrouva chez Zellers, un magasin à grande surface où l’on retrouve de tout, à petits prix. Elle cherchait une idée pour se faire un cadeau. Depuis des années, elle célébrait elle-même son propre anniversaire en s’offrant un cadeau. Elle le sait, c’est pathétique d’autant plus que cette année-là, elle n’avait pas encore eu d’idée. Serait-ce parce qu’elle possédait absolument tout ce dont une femme a besoin pour être heureuse ? En fait, qu’est-ce que ça veut dire au juste cette phrase-là ? Elle s’était acheté quatre napperons pour sa table de cuisine. Était-ce censé la propulser au pays du bonheur parce qu’ils étaient très beaux et assortis à sa table en bois ? Cette expression la laissait perplexe depuis fort longtemps et elle n’y avait pas encore trouvé réponse.

Elle se retrouva par hasard dans le rayon de la laine. Un an plus tôt, elle s’était mise à tricoter. Bon, d’accord il est facile de faire un lien avec le tricot et la vieillesse. Lorsqu’on regarde des pelotes de laine, nos souvenirs de grands-mères qui passaient des heures, l’hiver, devant le poêle à bois, à tricoter des mitaines et des foulards, refont facilement surface. Mais de nos jours, ça fait chic de tricoter. Plusieurs jeunes futures mamans s’y sont mises en attendant bébé. Toutefois, la plupart du temps, leur carrière dure le temps de la grossesse, parce qu’une fois bébé arrivé, le rêve de ce dernier dans ses plus beaux vêtements de tricot disparaît pour laisser place à des couches bien pleines et des nuits bien vides.

Plus que le tricot pour creuser une ride de plus à son front, c’était l’incapacité de tricoter qui la faisait sentir encore plus âgée. En tricotant, elle s’était fait mal à l’intérieur du coude et il lui avait fallu un an pour guérir cette malheureuse douleur. Elle quitta donc à regret cette allée de couleurs et de textures en se disant qu’au moins, elle était encore capable de pousser un panier dans une allée ! De plus, il y avait une foule d’autres activités dont elle était capable : la lecture, l’écriture, la couture...

Elle se serait bien cousue un oreiller pour faciliter son sommeil mais était-ce encore une question d’âge ? Celui-ci s’était enfui, il lui semblait, à tout jamais. Elle ne savait pas trop comment, mais d’année en année, ses nuits étaient de plus en plus courtes, jusqu’à en devenir quasi inexistantes. Il lui arrivait régulièrement de se retrouver devant sa classe d’élèves avec 3 heures de sommeil à son actif, et comble de la bêtise, elle devait tout faire pour empêcher les jeunes de dormir alors qu’elle ne pensait qu’à cela.

Bon, chassons les mauvais esprits qui relient cette journée à son âge et célébrons ! Elle s’arrêta devant les cartes à jouer. Elle en acheta ou plutôt elle en racheta. Elle avait égaré celles qu’elle avait acheté l’an dernier pour ses cours et que les élèves aimaient. Vous savez avec des grosses faces de chiens et de chats ? Bon, elle les avait cherchés dans tous les coins et recoins de son appartement, mais peine perdue, elle les avait perdues. Il ne lui restait plus qu’à en racheter de nouvelles… et elle se souviendrait alors probablement où elle avait mis les autres… quel classique !

Elle fit le tour du magasin et rentra à la maison avec en main deux paquets de cartes à jouer. Hum… wow !… quelle journée de bonheur ! Elle s’amusait follement. Mais, la journée n’était pas encore terminée, il était à peine une heure de l’après-midi. Elle couru vers le téléphone et avec joie, elle constata qu’elle avait reçu un appel qu’elle écouta avec impatience :

" Bonjour, ici Bell Canada. Nous aimerions vous entretenir afin de discuter avec vous de nos multiples services qui vous feraient économiser de l’argent… bla-bla-bla. " Bip!

Elle effaça ce seul et unique message et fît cuire son poulet qu’elle mangea lentement… puisque ses dents ne coupaient plus beaucoup. Et oui, ses dents étaient usées. Voilà pourquoi elle aimait tant le macaroni. Elle préférait manger mou. Elle ne voulait pas être négative en cette journée mais lorsque vous avez mal au coude, vous ne pouvez plus manger de la viande, vous devez dormir assis parce que vous faites de l’asthme dès que vous êtes en position horizontale, que vous ne dormez presque plus, que vous ne pouvez plus gérer le stress comme il y a 20 ans et que vos amies semblent avoir oublié votre fête, est-il encore possible d’être heureuse ?

Et elle se répondit : " Mais très certainement! ". Tiens, elle se rendit compte qu’elle pouvait ajouter à sa liste le fait qu’elle se parlait toute seule, autant à voix haute que par écrit. Auparavant, elle s’en sortait en disant qu’elle parlait à son chat, ce qui était vrai. Cependant, l’habitude ne l’avait pas quitté avec le départ de ce dernier.

Ainsi, plus la journée avançait en temps, plus elle gagnait en vieillesse et plus elle perdait en bonne humeur. Elle perdait le contrôle sur sa journée et ses humeurs. Elle aurait voulu revenir en arrière, recommencer, devenir un être rempli de douceur, de joie de vivre et de générosité en cette magnifique journée mais elle ne connaissait vraisemblablement pas cette recette.

20H00. Tout le monde l’avait oublié. Même les émissions de télé s’étaient mises de la partie pour l’ennuyer. Mais le pire, en laissant filer le temps ainsi, elle s’aperçut qu’elle s’était oubliée elle-même.

Elle décida alors de faire appel à la créativité de ses lecteurs pour savoir comment pouvait-elle terminer cette journée en beauté.
Et vous, qu’avez-vous fait lors de votre dernier anniversaire? Alors, écrivez-moi, donnez-moi des idées et je terminerai mon texte… et ma journée. Je vous laisse le temps de me répondre… jusqu’à mon prochain anniversaire …

samedi 12 septembre 2009

Tu te fais du mal !


Depuis toujours, les chats ont fait partie de mon existence. Le dernier, Méryl, m’a quittée cet été, à l’âge de 17 ans. Les chats ont partagé près de 20 ans de ma vie. Depuis longtemps, je me disais qu’à la fin, ce serait terminé. Je ne voulais plus jamais m’engager à prendre soin de ces bêtes dont tu te préoccupes tant lorsque tu quittes la maison ou lorsqu’ils vieillissent et tombent malades. Pour ma part, un engagement est un engagement. J’ai horreur des personnes qui les abandonnent soudainement parce qu’ils s’aperçoivent que finalement, un chat, demande un minimum d’attention et de soins. D’un autre côté, je m’ennuie très fort de leur présence câline et réconfortante. Est-ce que ça a un rapport avec ce nouveau vide existentiel, mais depuis quelque temps, je me suis aperçue qu’il y avait beaucoup de beaux hommes dans mon entourage. Je m'imagine alors passer ma main dans leur belle crinière de cheveux bien épaisse et peut-être, aussi parfois, leur gratter un peu l’oreille jusqu’à ce qu’ils s’endorment et ronronnent bien fort…

Il faut dire que les chats m’ont beaucoup apporté dans ma vie. Entre autres, ils m’ont obligée à une certaine stabilité lorsque tout basculait, un peu comme lorsque vous avez des enfants, il vous faut garder les pieds bien ancrés sur terre pour pouvoir les nourrir et vous en occuper convenablement. Lorsque j’arrivais le soir, ils m’attendaient devant la porte comme pour me dire " Salut, on sait que tu es fatiguée mais nous, on est là! On te lâche pas ! ".


C’est certain qu’un chat c’est très fidèle surtout lorsque condamné à demeurer entre quatre murs jusqu’à la fin de ses jours ! Mais malgré tout, ils possédaient une certaine liberté entre mes murs. Je n’ai jamais eu suffisamment d’autorité pour leur imposer quelque limite que ce soit. Ils dormaient dans mon lit, dans mes draps, montaient sur mon comptoir de cuisine, sur ma table, ils dormaient dans mon lavabo de salle de bain et jouaient avec des balles qu’ils déposaient dans le trou du bain. Parfois même, alors que je dormais, ils s’assoyaient sur ma poitrine, jusqu’à ce que j’ouvre les yeux. Ils me sautaient alors littéralement à la figure pour me la lécher allègrement.
Mes chats connaissaient et visitaient absolument tous les endroits de mon appartement et s’adonnaient alors à leurs activités complètement inutiles. Parce que la vie de chat, ça ressemble pas mal à ça : dormir, manger, explorer et faire des activités qui ne servent vraiment à rien sauf peut-être à émerveiller les occupants de la maison. Parce que finalement, je ne sais pas trop par quel coup du hasard, on finit toujours par se passionner pour leurs activités complètement innocentes et inutiles. " Ah! Hier, mon chat est grimpé sur ma table, ensuite sur mon frigo et il a ouvert une porte de l’armoire et je l’ai attrapé en train de se promener dans ma vaisselle. Maudit fou, que je l’aime donc ! " Honnêtement, remplacer le mot chat par enfant, et je ne m’en souviendrais probablement plus vraiment aujourd’hui. Mais avec un chat, ça devient un souvenir inoubliable et intarissable que je raconte encore 15 ans plus tard ! Non mais, faut-tu que ma vie soit plate pour que ça, ça soit encore dans mes souvenirs ?!?


On m’a toujours expliqué que les chats pouvaient retenir six comportements enseignés par les humains. Les miens, n’en ont retenu aucun, parce que je ne leur ai absolument rien enseigné. La seule chose qu’ils auraient pu apprendre de moi s’ils avaient pu parler ressemble à : " You yi le ti ti mimine bébé coucou la qui mi binignigni ? ". Heureusement pour mes voisins, je n’ai jamais eu de perroquet ! Enfin. Mes chats étaient tellement bien chez moi, que je crois même qu’ils étaient persuadés que je vivais chez eux.


Lorsque je recevais de la visite et qu’ils avaient un comportement inapproprié, je n’étais pas très fière et je disais l’air de rien " C’est drôle, ils ne font jamais ça d’habitude, monter sur la table ". Si le visiteur était intelligent, il comprenait que je tentais seulement de sauver la face pour ne pas passer pour une malpropre qui laisse ses chats, considérés non hygiéniques par plusieurs, lui ruiner sa propre hygiène ! À d’autres occasions, si le visiteur n’était pas trop intelligent, je pouvais m’en sortir et passer pour une fille qui avait de la classe mais un chat qui n’en avait pas.
Mais, vous ai-je déjà parlé du complexe de malpropreté dans ma famille ? Mon père, qui maltraitait ma mère en paroles, lui disait lorsqu’ils étaient ensemble, qu’elle était une femme malpropre. Je ne sais pas trop pourquoi ni par quelle sorte de logique de fonctionnement (ou dysfonctionnement ?) du cerveau, mais cette condamnation à être juste une grosse cochonne est restée profondément gravée en moi et aussi sûrement, en ma mère. Finalement, elle a eu un père qui la traitait de laide parce qu’elle avait un œil croche et ensuite un mari qui la traitait de cochonne parce qu’il la trouvait malpropre. Je peux comprendre qu’elle était ce qu’elle était et qu’on est devenus comme on est maintenant. En tout cas, je me comprends…


En parlant de malpropreté, enfant, je reprochais souvent à ma sœur de ne jamais participer au ménage du samedi matin. J’aurais probablement fait de même si j’avais été une enfant élevée dans une famille normale. Pas si anormale que ça me direz-vous ? En connaissez-vous beaucoup vous, des mères qui cachent la vaisselle sale sous l’évier en attendant qu’il y en ait assez pour la laver ? Parce qu’un repas avec quatre personnes ça fait pas assez de vaisselle ? Pour ma part, j’avoue, je la cachais dans le four jusqu’au jour où j’ai mis le feu parce que j’y avais oublié un couvercle en plastique ! Enfin, passons.


Le ménage, ma sœur s’en foutait royalement. Elle fumait du pot, buvait et traînait dans le village jusqu’aux petites heures du matin avec ses amis fuckés. J’avais pas mal honte d’elle parce que dans un village, quand tu es cataloguée " guidoune ", tu l’es pas mal pour le reste de tes jours ainsi que pour les quatre générations que tu vas engendrer. Valait mieux prendre les devants et traiter le monde de guidoune avant que quelqu’un ne le fasse pour toi ! Moi, je prenais des marches de fille sage dans le village avec des amies que les gars regardaient parce qu’elles avaient des gros seins et des courbes sensuelles comme les vagues de la mer, alors que j’étais plate comme une rivière sans eau. À 15 ans, j’avais vraiment hâte d’en avoir ! À 45 ans, ben j’ai encore aussi hâte. En tout cas.


Mais bon, je vivais dans une famille monoparentale et je trouvais que ma mère faisait vraiment pitié et j’aurais eu trop honte de la laisser faire le ménage toute seule. J’haïssais ça faire le ménage. Surtout, vu la pauvreté dans laquelle nous vivions, nettoyé ou pas, un divan orange "carreauté" avec des brûlures de cigarettes, ça peut jamais vraiment avoir l’air propre. Donc, peu importe la quantité de Spick-and-Span qu’on utilisait, je trouvais que la maison avait toujours l’air d’une grange abandonnée. Tellement, que j’ai jamais invité d’amies chez moi. J’avais bien trop honte de notre divan et pire encore, de montrer qu’on se chauffait au bois sur une grille, où on s’assoyait le matin en sortant du lit, parce que le poêle était éteint depuis quelques heures et qu’on gelait partout dans la maison. L’hiver, j’avais honte de notre poêle à bois mais l’été, je vous dis pas. J’aurais jamais accepté que mes amies voient ma mère en culotte courte montrer ses vergetures pis ses cuisses pleines de cellulites ! Ça c’était ben pire que le poêle à bois, je vous jure…


Je vous raconte ça mais je réalise à quel point je ne sais vraiment pas si la malpropreté est une réalité ou un souvenir fantasmatique de petite fille. Enfin, toujours est-il que ma mère, une fois âgée, me vantait constamment, à chacune de ses visites, les mérites de l’eau de Javel. Vous n’avez pas idée à quel point c’est utile de l’eau de Javel. Bien sûr, vous pouvez en ajouter dans l’eau lorsque vous lavez vos vêtements. Mais vous pouvez également l’utiliser pour laver votre vaisselle (en infimes quantités s.v.p., je le mentionne juste au cas où vous auriez la brillante idée d’ essayer ça!), vous pouvez également en mettre dans la toilette, dans le bain en le faisant tremper à grande eau. Je pense même que c’est bon pour vos boutons d’acné!… mais bon, essayez-le donc pas… Et vous n’avez pas idée ce que ça peut finir par empester la propreté des fois !


Ma mère me disait souvent qu’elle avait le nez fin… une sorte de figure de style pour me dire qu’il y avait des odeurs pestilentielles et insupportables chez moi. Ainsi, un jour, j’ai appris qu’il existait un %&*# de spray, dont j’ai probablement tout fait pour oublier le nom, mais qui serait sûrement très bon pour rafraîchir mon matelas, mes divans et mes chaises en tissus. Écoutez, c’est presque aussi bon que la %&*# d’eau de Javel, mais vu que ça brûle le tissu, il faut tout de même utiliser d’autres produits de temps en temps. Selon elle, c’était super bon pour enlever les odeurs, particulièrement les odeurs d’animaux, parce que, vous savez, mes animaux aussi puaient !!! Et en plus, ben, vieux et malades qu’ils étaient, ils faisaient vraiment pitié, presque autant que ma mère quand elle faisait le ménage toute seule. Ça faisait longtemps que j’aurais dû m’en débarrasser. (Ici, je parle de mes chats, bien sûr!) " Tsé, quand on a été pauvres, dans une famille de 14 enfants, vivant sur une ferme, les animaux c’était fait vraiment juste pour se retrouver dans ton assiette! Pis on doit s’en débarrasser avant qu’ils ne soient malades et qu’ils ne nous coûtent une seule cent. Mais c’est tu dieu possible de payer pour faire soigner des bêtes, surtout quand on a toujours été si pauvres et qu’ on gaspille de la belle argent dont ta MÈRE pourrait VRAIMENT profiter, ELLE ? "


Et là on me demande pourquoi je suis allergique à ceux qui entrent dans mon intimité et qui viennent m’enseigner que c’est beaucoup plus propre de laver ma vaisselle dans un plat que de laisser l’eau couler et m’acheter une salière parce que c’est mauditement important dans une cuisine et qu’il serait super important pour mon évolution personnelle que je m’achète une batterie de cuisine à marde ! AHHHHHHH!!!!


Ainsi, j’ai longtemps lutté contre mon complexe de malpropreté… en plus de celui de la grosseur… et celui de la laideur. Beau temps mauvais temps, ces préoccupations occupent quand même pas mal mon temps.


Donc, lorsque je mangeais mes céréales le matin (et que ma mère n’était pas en visite), mon chat s’assoyait en face de moi sur ma table et regardait mon bol avec l’air de penser : " Envoye, mange-les tes céréales que je boive le lait. J’ai pas juste ça à faire moé, m’asseoir sur la table pis te regarder manger. Faut que j’aille me contorsionner sur ton lit et me lécher le derrière. Faut aussi que je trouve du temps pour me coucher sur le dos en m’étirant et montrer que je suis le maître de la maison. Laisse-le donc faire ton maudit journal à matin, pis mange! ".


Alors d’un côté je m’ennuie de l’affection que me procuraient mes chats et de l’autre, je lutte pour garder ma liberté longtemps espérée. Ces deux sentiments s’entrechoquent dans mon esprit jour après jour. Et ne sachant trop quelle décision prendre, chaque jour, je tape sur mon ordinateur " chat à donner " et je me fais du mal en regardant toutes ces petites boules de poils qui tentent de m’ensorceler pour que je les adopte le plus rapidement possible. Mon dernier coup de cœur ressemble à ça :
 
 


Deux petites sœurs de couleurs différentes mais peinturées absolument de la même manière ! Je demande pardon à l’auteure de la photo pour les droits de publication mais j’ajouterai tout de même la source pour être dans les règles (ou encore si jamais l’idée vous prenait de simplement les adopter ) :


http://montreal.kijiji.ca/c-animaux-donner-Deux-petites-chattes-de-6-semaines-donner-W0QQAdIdZ154381125

J’ai tellement décidé de ne plus avoir de chat que j’en nourris un qui erre dans ma ruelle depuis quelques jours en tentant de l’apprivoiser pour qu’il entre dans mon appartement.

Voilà à quel point je me fais du mal !

Bonne semaine !
 

samedi 5 septembre 2009

Le mal en questions

Question :

Demande faite pour obtenir un renseignement.
Interrogation que l’on adresse à un élève.
Proposition, matière à examiner, à discuter.
Torture infligée aux accusés pour obtenir des aveux.
Il est question de : il s’agit de.

Sa formation de travailleuse sociale alliée à une solide expertise de formatrice, elle avait développé une capacité inouïe et souvent inassouvie à poser des questions à qui croisait sa route. Il s’agissait là d’un pan de son travail qu’elle adorait par-dessus tout : voir les figures s’éveiller en prenant conscience du sens sur leur vie, de ses questions, et admirer leur mine déconfite devant les réponses qui trop souvent tardaient à venir. Ceci faisait partie d’un plaisir si intense et si secret qu’elle le ressentait avec une honte peu commune. C’était un peu comme si elle s’approchait en ces instants, de la Vérité avec un grand V, vérité visant à illuminer le sens de la vie de ses acolytes.

Pourtant, malgré le don certain qu’elle possédait de rapprocher les êtres d’une réponse à leur utilité ou inutilité terrestre, elle était tout aussi ébahie devant sa propre incapacité à répondre à ses propres questions. En effet, elle avait toujours une réponse pour les questions posées aux individus qu’ils fussent rois ou simples paysans, malheureusement, sa propre lanterne n’éclairait jamais les ombres de son esprit.

Bien sûr qu’elle avait certainement, de par son travail, un impact sur la vie des personnes qu'elle rencontrait. Certains le lui avaient même mentionné. Malgré tout, restait constamment en elle, telle une caresse jamais achevée, un sentiment de vide. Cette émotion, qui la troublait jusqu’au plus profond de son être, la plaçait constamment devant ce qu’elle appelait : " L’insignifiance de sa propre vie ". C’est dans ces moments qu’elle faisait allègrement le bilan de sa grandissime insignifiance. Elle vivait seule, sans enfants et sans animaux. Les chiens qui avaient partagé 15 ans de plaisirs et douleurs étaient à présent partis vers d’autres cieux. Elle avait bien eu quelques relations amoureuses, mais ces dernières s’étaient avérées aussi inhabitées qu’un désert et inutile qu’une terre vierge n’ayant jamais été découverte. Parfois, elle s’imaginait vieillir avec toute l’amertume d’une roseraie non défrichée.

Lorsque ses questions s’appliquaient à sa propre existence, sa vie lui semblait alors aussi insupportable que ses nombreuses interrogations. Ainsi, afin d’être certaine de trouver un sens à cet exercice, elle déployait autant d’énergie à répondre aux questions inutiles qu’à celles qui risquaient d’avoir un impact grave sur son avenir.

Voici un tout petit aperçu de ce qui pouvait parfois et même souvent, la tourmenter.

" Vais-je aller courir ce matin malgré mes allergies à l’herbe à poux ? Et si j’y vais, vais-je aggraver ma situation ? Ne pas aller courir signifie-t-il que je suis une personne sensée ou tout au contraire trop lâche pour expérimenter cette situation qui s’offre à moi ? Et le fait de penser que ma situation peut s’aggraver, est-il de l’ordre du possible ou tout au contraire un symptôme de plus au pays de mon hypochondrie ? ".

" Tiens, un nouveau picot noir. Est-ce le début du cancer ? Mais voyons, calme-toi, tu as au moins 10 000 picots sur tout ton corps ! Ah, mais alors faut-il que je les surveille un à un pour voir si l’un deux ne serait pas le porteur de la maladie ? " 

" Ma pression est haute. Est-ce dû au sel ou au stress? Peut-être un peu aux deux? Alors si je coupe dans ces deux éléments, comment saurais-je à quoi c’est dû ? Et si je ne coupe que dans un et que je me trompe, mon cœur pourra-t-il supporter encore longtemps tout ce déséquilibre? "

Parfois, certaines questions venaient la narguer et lui prouver qu’elle ne trouverait probablement aucune réponse.

" Mais pourquoi s’est-il donné la mort ?…"

Certaines photos découvertes et mises en lien avec ses fréquentations de jeune homme à la recherche d’un amour paternel qui lui fût refusé et de ses fréquentations adultes ; tout ceci lié à sa fuite perpétuelle dans la consommation … Alors pour trouver une réponse à cette question trop complexe, elle s’érigeait un scénario près de la folie mais qui lui procurait tout de même la possibilité de faire fuir ses pires angoisses tout en la délivrant de sa peine trop immense pour comprendre ce geste d’une manière simplement rationnelle.
 
"Hein quoi" me direz-vous. Et vous avez bien raison.

Et soudain, une vilaine question lui revenait sans cesse à l’esprit, tous les matins :

" Mais où ai-je donc stationné mon automobile ? ".

Et depuis cet automne, alors qu’elle devait faire une heure de route avant de débuter son travail à 8h00 devant un groupe de 30 élèves aussi endormis qu’elle, elle se demandait :

" Et si mon auto ne part pas, qu’est-ce que je vais faire? ".

Elle finissait même par ne plus pouvoir se supporter elle-même devant autant de questions voguant ainsi sur la dérive de son existence. Pour trouver des réponses, elle déployait l’énergie d’une nageuse lors de la traversée du Lac St-Jean par un temps d’orage. Elle en était parfois très fatiguée et rêvait devant cet état de fait, qu’un jour, qu’elle s’achèterait un magnifique voilier lui permettant alors de filer tout droit devant elle sans jamais répondre à quoi ou qui que ce soit.

Pour l’heure, n’ayant pas encore amassé ce type de fortune, elle fuyait ses propres questions en se vautrant dans le travail corps et âme et transcendait son mal en questions en le transposant dans la vie des autres. Peut-être était-ce là le début de la réponse du sens de sa propre existence, mais telle la recherche de l’homme idéal, cette réponse lui semblait trop près d’elle, trop simple pour donner un vrai sens à sa vraie vie par trop complexe ! Elle se devait de rechercher un sens beaucoup plus profond. En attendant, elle trouvait dans le travail un certain réconfort, qui à vrai dire, n’était que temporaire. Cependant, elle ne savait que faire d’autre. Et elle fuyait ainsi, toute l’année durant, oubliant ses questions, se fatiguant de ses journées de travail et rêvant du moment lointain où elle pourrait se reposer.

Alors, après avoir traversé une année entière à se repaître de questions destinées aux autres, elle retrouvait cette période de l’année qui s’appelait bien humblement " vacances ". Elle passait son année entière à l’attendre, à l’espérer. Elle rêvait à ces moments de repos et de plaisirs qu’elles lui procureraient. Cependant, le moment venu, lorsque cette période sonnait à sa porte, elle se mettait à avoir peur de lui ouvrir les bras. En effet, plaisir et repos n’arrivent jamais simplement dans sa vie. Pour cela, il lui faudrait comprendre que les semer, les cultiver et les laisser grandir calmement lui permettrait de faire une transition plus sereine entre le travail et les vacances ! Mais arrivé l’été, elle paniquait. Elle ne comprenait pas que le malaise qui s’installait en elle était en fait un mal composé de frustrations non réglées et accumulées. Elle ne comprenait pas non plus qu’elle devait alors laisser couler ce mal de son être psychique; ce qui lui permettrait ensuite de faire place à plaisirs et repos.

Ainsi, pour fuir ce malaise, la première semaine de vacances, le premier geste qu’elle posait alors était de frotter son appartement. Quel repos ! À coups de guenilles imbibées d'eau de Javel et de savon, elle se reposait du travail intellectuel avec une intensité de mouvements physiques encore jamais vue. Et plus le comptoir reluisait et plus les frustrations accumulées au fil des jours devaient partir. Et elle frotte, et elle frotte, et elle frotte. Et plonge la moppe dans l’eau chaude et tord la moppe et frotte la moppe…

Elle croyait alors dur comme fer que le fait d’habiter un endroit propre ferait briller son monde intérieur. Las elle se trompait. Plus elle le fuyait, plus le mal en questions ne faisait que grandir.

Ainsi, la semaine suivante, épuisée, elle tombait alors " littéralement " en vacances. Certains tombent amoureux, d’autres tombent des nues, elle, tombe en vacances. C’est alors que survient le grand mal, celui de l'anxiété. Épuisée, à boutte, elle laisse alors sortir sa fatigue.

Par la suite, elle se rappelle toutes les minutes de frustrations qu’elle n’a jamais eu le temps de vivre et de régler et comme si ce n’était pas suffisant, elle les revit dans sa tête. " Gna gna gna, un tel m’a dit ça, j’aurais ben dû lui répondre sur le même ton, tu vas voir on ne me reprendra plus à accepter une telle attitude et bla et bla et bla ". Cest alors que survient le deuxième grand mal, " la grande rumination ". Elle excelle par ailleurs dans cet art de la rumination. Elle pourrait même l’enseigner à des Africains trop calmes !

Lorsque ces grands maux sont passées, elle arrive alors à vivre le reste de ses vacances en essayant d’occuper son temps. Parce qu’étant seule, la planification de ses activités estivales se résument à : " Ben on verra! " Et parfois, elle y met du temps pour voir. Elle attend de voir ce qui pourra arriver et puis, rien ne se passe. Et une autre semaine s’est écoulée. Et le temps qu’elle réalise qu’il lui faut faire quelque chose, il ne lui reste plus que quelques jours de vacances. Et alors elle s’active. Elle va au cinéma. Elle lit un bon livre. Elle prend des marches. Elle s’entraîne. Elle écoute les reprises à la télévision. Rien de bien extraordinaire, mais elle arrive à tuer le temps.

Mais à quoi servent donc ses vacances ? À se reposer pour l’année de folie et de fuite de ses questions qu’elle vient de traverser ? Et elle se demande " Mais je travaille pourquoi alors ? Pour aller ensuite en vacances ? " Il lui faut vraisemblablement quelque chose de plus substantiel ! Ça ne peut être que ça. Elle se dit que sa mère n’a pas souffert en couches pendant des heures pour lui voir faire alterner les cycles de travail et de vacances sans qu’il n’y en ait un véritable sens ! Travailler, manger, dormir. Et la valse des questions reprend de plus belle.

À ce moment, afin de savoir si sa vie a un sens, elle tente d’imaginer la conversation de ses amies près de son cercueil. " Pauvre elle, sa vie n’a vraiment servi à rien. Elle ne fût même pas célèbre si ce n’est que dans son cercle restreint d’amies. Elle a bien aidé une ou deux personnes en passant, mais, et puis quoi ? Ne l’avons-nous pas toutes fait ? Est-ce si extraordinaire que cela ? C’est vrai qu’elle fût une bonne mère pour ses chiens. Mais tout de même, pas de quoi fouetter un chat! Nous l’aimions bien, mais avec ses questions sans réponse, c’était presque le temps qu’elle parte. Elle va nous manquer, mais pas ses questions "

Alors quand elle ne trouve pas de réponse au sens de sa vie, elle se demande à tout le moins si sa vie est vraiment insignifiante. Parce qu’elle a souvent la conviction formelle qu’elle l’est ! Alors, elle regarde les autres vivre. Elle les voit s’aimer, elle les regarde se quereller, elle les entends dire qu’ils aimeraient aller au cinéma, mais qu’ils n’en ont pas le temps, bref, qu'elles aimeraient bien avoir le temps qu’elle a ! Et elle se trouve soudain bien chanceuse d’avoir tout ce temps à ne rien faire. Donc la vrai question est : "Être utile et n’avoir plus le temps pour être inutile ? Ou avoir tout son temps et être inutile..." Encore là, elle croit fermement que chacun doit y trouver sa propre réponse.

Alors, quelle est la vôtre? Quelle est votre réponse? Pour ce faire, vous pouvez simplement répondre à mon nouveau sondage…
Bonne semaine.
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