Bienvenue sur mon blogue de lecture virtuelle !

Pour tout vous dire, je suis une travailleuse sociale qui est devenue enseignante. J'aime écrire. Honnêtement, depuis ses tout débuts, je m'oblige par ce blogue, à écrire et ainsi me maintenir dans un processus de création. Je n'ai pas vraiment d'objectifs autres que d'écrire et de me divertir. J'espère aussi que vous saurez trouver un peu de plaisir à me lire.


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Alors bonne lecture !

samedi 10 octobre 2009

« La complainte de l'heure de pointe »

Tous les soirs, à la même heure, c’est toujours la même histoire qui se répète inlassablement tel un mauvais scénario. Tous les soirs, à la même heure, je suis une figurante médiocre dans ce film de série B. Tous les soirs, à la même heure, au même endroit, ils se donnent tous rendez-vous pour assister à ce spectacle sans fin. Tous les soirs, au même endroit, je suis prisonnière du trafic de cette sortie d’autoroute qui mène à la fois vers Montréal et Québec.


Montréal, ville magnifique. Immense village urbain éblouissant les visiteurs par la gentillesse de ses habitants. Montréal, impossible d’y avancer à l’heure de pointe. Le temps fige l’automobile, laissant au spectateur impuissant, le loisir de contempler la splendeur de son paysage. Montréal, ville où se côtoient le modernisme des tours à bureaux et l’histoire de ces immeubles anciens. Montréal et ses environs, un fabuleux réseau de routes et d’autoroutes construit pour la très moderne et superbe Expo 1967 et ce, sans perspective et sans aucune vision d’avenir (et sans aucune c… de réparations…). Montréal et ses environs, ceci fait de toi le plus GROS STATIONNEMENT AU MONDE !!!


Qu’à cela ne tienne. Je me suis toujours promis de rester calme et sereine peu importe les légers désagréments subis dans ce trafic intense. Alors, je contemple ces tableaux aériens d’une beauté inouïe. Cette semaine, des nuées d’oiseaux s’étaient donnés rendez-vous pour des vols planés dans les champs de blé. D’autres soirs, le noir épais des nuages de pluie se marie au rouge vif de ce soleil se couchant au bout de l’horizon. Même les envolés de montgolfières lors du festival semblent exister pour me plaire… Alors, devant tant de beautés, je me calme et je profite de ce divertissement qui serait invisible à mes yeux si ce n’était de l’immobilisme causé par cette densité routière.


D’autres soirs, je cherche. Je pense à mon repas. " Non pas ton repas. Tu le sais, tu es hypoglycémique depuis que ton monde existe. Et tu ne t’apportes rien à grignoter jamais…Tu prends des risques calculés ? Mon œil ! Tu n’as jamais été bonne dans les mathématiques… Non pas ton repas, pense à autre chose. "
Ah oui, j’écoute Joe Dassin. C’est calme et serein, Joe Dassin. Existe-t-il sur cette terre, musique plus entraînante de bonheur ? La vie est une longue autoroute tranquille pour Joe Dassin. Et l’on se prend à fredonner sur ces airs si gais… On rayonne tellement que l’on oublie parfois ses paroles graves qui détonnent de ces notes joyeuses. Une prostituée devient sa "dame de petite vertu", son "bonheur d’un quart d’heure". Une histoire de femme délaissée avec un enfant sur les bras se transforme en rencontre inattendue et milles excuses de cet amant repenti. Un mari est cocu et il faut balayer sa cour pour l’avoir fait à sa femme, taka taka taka taka taka takata! … Et oui. Des histoires graves que l’on chante à tue tête sur un air de Caillou donnant des friandises à son chat… la la la la….


Cette musique bon enfant, cette poésie si simple et si intense à la fois, me préservait jusqu’alors contre la fatalité du trafic… jusqu’au jour où le pire est arrivé. Un enfoiré, un enfant de p… vint me couper à la sortie de l’autoroute, sortie que je convoitais moi-même depuis une bonne demi-heure alors que je roulais complètement arrêtée. Le salaud, et comme si sa saloperie ne lui suffisait pas, il me salua de la main. Il venait de tuer instantanément la magie de Dassin. Et instantanément, je devins une toute autre personne. Je découvrais alors ma nouvelle personnalité, celle d’une femme au bord de l’autoroute de la crise de nerfs… La rage au cœur et au ventre, je jurai sur le toit de ma voiture que, dès lors, personne ne se glisserait plus jamais entre moi, ma rage et mon automobile. J’en fis une question d’honneur et de respect. Commença alors la plus grande course stationnaire que je connaisse, une course contre la montre. Une course qui ne se produit que dans ma tête. Conduisant une auto manuelle, il y a toujours un délai entre le départ du conducteur qui me précède et le mien, ce qui augmente considérablement le défi en même temps que la distance à parcourir. Alors dès que j’avance, je pars à toute vitesse pour rattraper la demi-seconde qui me sépare de l’auto avant moi. Plus aucun rat d’égout ne viendra s’y glisser. Ainsi, tous les soirs, je m’accroche intensément à mon volant et à mon levier de vitesse pour mener à bien cette course contre le temps et me coller le plus près possible de mon prédécesseur. Telle la soie dentaire entre mes dents trop serrées, même une couleuvre huilée ne pourra s’y glisser. Ce soir je suis restée tellement longtemps collée à ce camion que les inscriptions sur son derrière sont encore gravées dans ma mémoire :


" Rénovation solution HD
Laine pour colmater, laine pour rénover, laine pour solutionner
514-444-4413 " 

J’ai même retenu les numéros sur l’arrière des pneus. 2546712, 2546712, 2546712, 2546712…

Je le jure, sur ce blogue, à partir de ce jour, plus personne ne manquera de respect à ma conduite.

" Vous ignoriez qu’il vous fallait faire la file depuis 30 minutes pour prendre cette sortie ? Je m’en fous, avancez par en arrière!... ... ... Vous ne pouvez pas faire demi-tour sur l’autoroute? Si vous savez ce que je m’en contrefiche. Ce bout de route est à moi. J’ai attendu depuis trop longtemps pour les billets de ce spectacle ennuyant, laissez-moi la place et foutez le camp... ... ... Non mais… Eille toi en avant ! Laisse-le pas passer ! À quoi ça sert que je me démène comme une folle pour me faire respecter si c’est toé qui manque d’autorité ! Réveille ! Pis suis la file de plus près ! " 


Je parle seule mais je m’en fous. Seule ma quête de respect compte en cet instant. Et je regarde les autres conducteurs qui parlent tout aussi seuls. Alors je jubile, je ne suis pas la seule à vouloir le respect. Mes pensées défilent dans mon esprit à une rapidité inversement proportionnelle à la circulation. Mon souper, ma soirée, ne pas perdre la distance, mes émissions, ma douche, ne pas perdre du terrain, …


À force de côtoyer cette file indienne, je suis devenue cowboy du volant. Et je me jure de fusiller du regard tout téméraire osant me défier. Je rêve alors que l’orage de ma rage fasse éclater au grand jour l’imbécillité de ces malades au volant qui ne savent conduire mais surtout ne savent se conduire. Ces crétins d’enfoirés qui régulièrement manquent de causer des accidents à tous les coins de rue et coins de champs… ces sauvages… Attaquons-les, ligotons-les, scalpons-les, éviscérons-les… CHU PU CAPABLE DE LES VOIR, LES SENTIR, PIS LES ENDURER LES CALVAIRES DE MAUDITS INNOCENTS… Et sur cette route qui ne mène nulle part, je deviens sans m’en rendre compte, une des leurs, avec cette rage au cœur et au volant.

C’est comme ça tous les soirs. Et soudainement, sans trop savoir comment, j’arrive devant chez moi en fredonnant :


" Je vais fréter demain trois caravelles. Et tu auras de mes nouvelles. Avant longtemps.
Je vais courir les océans pour découvrir le sixième continent !!!
Pourquoi je n'serais pas Christophe Colomb Ou Magellan ou Robinson, tout simplement?
Il y a au bout de l'horizon un monde auquel je donnerai ton nom.
la la la la la la lère .... "

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Chère Travailleuse sociale, j'ai a-do-ré ce texte, bien qu'il traite d'un sujet qui m'ennuie profondément: la circulation routière! Je suis du type «je-prends-les-transports-en-commun-alors-je-me-moque-de-vos-complaintes-de-chauffard». J'ai beaucoup aimé votre manière de décrire la relation d'amour-haine que vous entretenez avec Montréal, et la description de votre «course stationnaire» quotidienne. Le tout est vraiment bien écrit! Et en prime, il y a Joe...

Anonyme a dit…
Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.
Anonyme a dit…

Chère amie t.s.,

J'aime beaucoup ce texte, j'ai eu l'impression de t'entendre invectiver les autres conducteurs comme si j'étais ta passagère!
C'est fou comme vous les Montréalais êtes stressés! À chaque fois que je vais à Montréal en auto (j'y suis allée encore aujourd'hui), je suis subjuguée par cette impatience presque violente. Je ne pourrais plus y vivre, mon système nerveux ne serait plus capable de sy'adapter. Dire que je fais partie des conductrices impatientes de Joliette, à Montréal, j'ai l'air d'une vieille matante qui fait un "tour de machine" pour se faire passer le temps! CALMEZ-VOUS gang de cardiaques en devenir! Ça change quoi que vous arriviez à la lumière rouge 2 1/2 secondes avant? Vous allez repartir en même temps que les autres anyway! Amie Travailleuse sociale, continue d'apprécier Joe Dassin (que j'adore aussi) et d'admirer les merveilles de la nature, c'est ça qui te fera gagner du temps... de vie! Ton amie, Maryse XX

Travailleuse sociale a dit…

Bonjour Maryse,

Je comprends à 100% ce que tu me dis là. Je dois me rendre tous les jours pour travailler dans une campagne semblable à Joliette et je suis toujours impressionnée de constater que personne ne me coupe, tout le monde me laisse passer, on m'envoit la main et me dit bonjour !

Au début, on se demande ce qu'ils ont de louche, ce qu'ils te veulent mais on finit par s'habituer à la gentillesse. Et le contraste avec Montréal est encore pire !

Bonne fin de semaine !

TS

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